Luise

Automne 1918, la guerre s’éternise. Dans la campagne alsacienne encore rattachée à l’Empire allemand, non loin de la frontière française, Luise, paysanne de 25 ans, occupe seule la ferme familiale depuis le décès de sa mère. Un matin, elle découvre une jeune femme cachée chez elle : Hélène, une Française en fuite vers les Pays-Bas, qu’elle accepte de recueillir. Mais la fugitive est suivie de peu par un soldat allemand, blessé par cette dernière pour de mystérieuses raisons. Luise n’a d’autre choix que d’héberger à son tour Hermann, désormais déserteur. Entre ces trois personnages se noue bientôt un troublant triangle amoureux tissé de défiance, dont Luise, seule à maîtriser les deux langues maternelles de ses hôtes, devient le pivot…
 
Troubles des corps et de l’histoire
Le cinéaste allemand Matthias Luthardt adapte librement Le renard, court roman de D. H. Lawrence publié en 1922 (six ans avant L'amant de lady Chatterley), qu’il déplace de la campagne anglaise jusqu’au cœur de la forêt vosgienne. Si le romancier laissait planer à dessein l’ambiguïté quant à la relation entretenue par ses deux héroïnes, soudain perturbée par l’irruption d’un homme, le réalisateur de Luise lui confère une dimension ouvertement charnelle, et baigne d’un clair-obscur naturaliste ce huis clos romanesque sombre et sensuel, où les troubles des corps rejoignent ceux de l’histoire. Matthias Luthardt, lui-même polyglotte, y glisse par ailleurs un enjeu linguistique de nature à rebattre les cartes des relations de pouvoir, qui en décuple la tension dramatique.