Olivier Père

Théorème de Pier Paolo Pasolini

Aujourd’hui débute à la Cinémathèque française la grande rétrospective Pier Paolo Pasolini, accompagnée de l’exposition « Pasolini Roma. » Pour saluer cet événement, ARTE diffuse cette nuit deux chefs-d’œuvre du cinéaste italien, Théorème à 0h10 et La Ricotta à 1h40 (qui sera rediffusé le 18 octobre autour de minuit dans le cadre de « Court Circuit ».

Théorème (Teorema, 1968) est l’adaptation cinématographique par Pasolini de son propre roman, publié la même année. Un jeune homme angélique visite chaque membre d’une famille bourgeoise milanaise, puis disparaît, les laissant désemparés et enfin conscients de la vacuité de leur existence. Cette visitation sexuelle et amicale les poussera à remettre en question leur mode de vie, sans enrayer un sentiment d’échec et désespoir. La jeune fille amoureuse de son père sombrera dans un état catatonique ; le fils deviendra un artiste moderne raté ; la mère cherchera le salut en s’offrant à des inconnus ; le père donnera son usine à ses ouvriers et, dans le plus total dépouillement – il se déshabille dans une gare – errera nu dans le désert. Seule la bonne de la maison trouvera le salut dans la sainteté. Retournée dans l’exploitation agricole de son enfance, elle accomplira des miracles. C’est le seul personnage qui est touché par la grâce de cette visitation car elle appartient au peuple qui n’a pas perdu le lien avec le sacré et la foi chrétienne. Les membres de la famille, sans aucune conviction religieuse ou idéologique, ne peuvent que s’autodétruire. Point de salut pour la bourgeoisie. Communiste et militant sans appartenir à aucun parti, habité par les figures de Marx, Freud et Jésus, Pasolini avait développé sa propre pensée, en marge des courants gauchistes de l’époque, convaincu que le Christianisme était une force de résistance contre le capitalisme en Italie. Comme son titre l’indique, Théorème propose une démonstration quasi mathématique sur les mécanismes de la foi et la doctrine du poète cinéaste. Elle sera reçue de diverses manières puisque le film obtiendra un fort retentissement critique lors de sa présentation à la Mostra de Venise, le Prix de l’Office Catholique du Cinéma, mais aussi une condamnation du Vatican et un procès pour obscénité.

Silvana Mangano

Silvana Mangano

Le film représente sans doute l’apogée du « cinéma de poésie » de Pasolini, sublime et sensuel. Les images de cette parabole mystique et politique sont inoubliables, au même titre que ses interprètes, Terence Stamp dans le rôle de l’ange à la beauté mystérieuse, Silvana Mangano dans celui de la mère, Massimo Girotti dans celui du père, Anne Wiazemski dans celui de la fille, et surtout Laura Betti, amie et égérie du cinéaste, bouleversante dans le rôle de la domestique.

Nous reviendrons sur La Ricotta à l’occasion de sa rediffusion le 18 octobre.

La Ricotta

La Ricotta

Sur le site d’ARTE vous pouvez également voir Bernardo Bertolucci parler de Pier Paolo Pasolini lors de sa venue récente à Paris en septembre dernier.

 

Catégories : Non classé · Rencontres

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