Olivier Père

Quelques Jours avec moi de Claude Sautet

ARTE diffuse ce soir à 22h25 dans le cadre de son cycle Claude Sautet Quelques Jours avec moi (1988), avec Daniel Auteuil (photo en tête de texte), Sandrine Bonnaire, Jean-Pierre Marielle et Dominique Lavanant. C’est à la fois l’un des meilleurs films de Claude Sautet et son plus surprenant, tragicomédie en rupture avec le reste de son œuvre, même si ses principaux centres d’intérêt demeurent, à savoir la manipulation, la solitude et la vénalité. Le rejeton d’une famille dirigeant une grande chaîne de magasins, Martial (Daniel Auteuil) sort d’une cure de repos pour dépression. Pour son retour à la vie active, on lui propose une mission anodine : faire la tournée de quelques succursales de province et contrôler les livres de comptes. Première étape, Limoges où Martial découvre des anomalies dans les livres du directeur Fonfrin (Jean-Pierre Marielle), un fanfaron aux pratiques douteuses. Par jeu il feint de croire aux explications du directeur et se fait inviter le soir même à dîner chez lui, où il remarque la jeune domestique du couple (Sandrine Bonnaire.) Martial décide de prolonger son séjour à Limoges, à la surprise générale.

Après le film de trop Garçon ! Claude Sautet envisage une nouvelle fois d’abandonner le cinéma, conscient de composer la même petite musique depuis trop longtemps. Sollicité par un jeune producteur, le cinéaste retrouve un second souffle avec Quelques Jours avec moi, dans lequel il ose des choses inédites, avec la complicité de nouveaux scénaristes, comédiens et collaborateurs. Ce qui frappe d’abord c’est le mélange des genres, Sautet n’hésitant pas à aller assez loin dans la farce et la bouffonnerie. Il envisage la longue scène de fête comme une véritable fiction du dérèglement où les masques tombent et les classes sociales se mélangent dans un joyeux foutoir dionysiaque. Sautet s’amuse aussi avec le couple de bourgeois provinciaux interprétés avec brio par Marielle et Dominique Lavanant, hypocrites et étouffés par les préjugés, qui ne s’expriment qu’avec des lieux communs. On pense à l’anti France des films de Mocky et de Chabrol, à Flaubert ou au Renoir de Boudu sauvé des eaux. Sous cet humour étonnant la mélancolie, la gravité de Sautet ne tardent pas à resurgir. Martial se révèle être un nouveau Max (le policier interprété par Piccoli dans Max et les Ferrailleurs, sans doute le chef-d’œuvre de Sautet), homme froid, névrotique et manipulateur que sa volonté de puissance conduira à endosser la responsabilité d’un meurtre, pour modifier la destinée de l’un des personnages. Une fois de plus le travail méticuleux de Sautet sur les décors et les ambiances débouche sur une atmosphère très stylisée, mi réaliste mi onirique, et le cinéaste dessine avec précision le moindre second rôle. Mention spéciale à Jean-Pierre Marielle, grandiose en escroc naïf dont la malhonnêteté est le moteur de l’histoire du film, et qui se révèle beaucoup plus complexe et humain que la caricature d’idiot de son entrée en scène.

Quelques Jours avec moi est diffusé dans une copie restaurée HD. Il est précédé à 20h45 de Un cœur en hiver (1992), autre grande réussite de la fin de carrière de Sautet, dominée par les interprétations remarquables de Daniel Auteuil, André Dussollier et Emmanuelle Béart.

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