Dans le cadre de son hommage à la UFA, ARTE diffuse lundi 28 août à 23h45 Force et Beauté (Wege zu Kraft und Schönheit, 1925) de Nicholas Kaufmann et Wilhelm Prager. le film sera également disponible en télévision de rattrapage pendant sept jours sur ARTE+7.
Ce film culturel (« Kulturfilm ») est un documentaires éducatif, genre cinématographique à la mode dans les années 20 et qui se perpétua jusque dans les années 60 sous des formes plus dégradées et moins artistiques.
Force et Beauté remporta un succès commercial important lors de sa sortie malgré des démêlées avec la censure qui exigea plusieurs coupes et des menaces d’interdiction.
Ce documentaire en six chapitres sur la culture corporelle moderne entend montrer l’histoire du culte du corps à travers les âges, et illustrer des pratiques contemporaines permettant de résister à l’avachissement, les maladies et les mauvaises habitudes des habitants des grandes villes ayant perdu les liens vitaux avec la nature et leur propre corps.
Force et Beauté s’avère ainsi un film de propagande destiné à promouvoir la régénération du corps et de l’esprit grâce à l’hygiénisme et les exercices physiques au grand air. Il s’agit d’un néo humanisme fortement imprégné de philosophie grecque hérité du XIXème siècle, très en vogue à l’époque de la république de Weimar.
Le film illustre les préceptes de Friedrich Ludwig Jahn, éducateur allemand du XIXème siècle, promoteur de la gymnastique pratiquée de préférence nu et en plein air. Cette pratique du sport avait pour but de restaurer la fierté, la virilité du peuple allemand et de raffermir son sentiment national. Jahn et son mouvement sportif mais aussi idéologique ont eu une influence intellectuelle sur le nazisme, qui a récupéré ses théories. Réalisé huit ans avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, Force et Beauté n’est pas un film nazi, mais certaines de ses idées illustrées avec conviction et talent trouvent un écho avec la propagande du IIIème Reich qui lui aussi revendiquait l’héritage – du moins esthétique – de l’Antiquité grecque et romaine.
Force et Beauté demeure un témoignage étonnant de cette passion pour le sport, qui milite pour l’hygiène et l’exercice physique. Contrairement au nazisme le film ne stigmatise pas les autres peuples et montre les bienfaits du sport dans d’autres pays que l’Allemagne. Il prêche aussi pour la mixité et rappelle que l’éducation physique n’est pas réservée aux hommes. Le film célèbre aussi bien le corps de l’homme que celui de la femme. Sur le plan technique le film a régulièrement recours au ralenti pour décomposer et magnifier les mouvements des muscles des athlètes des deux sexes. La nudité occupe une place importante dans le film, que ce soit dans les séquences de reconstitution de l’Antiquité que les passages documentaires sur la pratique encouragée du nudisme en groupe et en famille. Selon certaines sources, Leni Riefenstahl jouerait une esclave dénudée lors du passage des thermes de Caracalla à la fin du film. Riefenstahl deviendra quelques années plus tard l’une des cinéastes vedettes du IIIème Reich avec notamment Le Triomphe de la volonté et Les Dieux du stade, apologies nazies de la force et de la virilité à travers l’esthétisation de corps masculins athlétiques.

Force et Beauté
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