Dans le cadre de son cycle Claude Lelouch, ARTE a réuni trois films du cinéaste qui constituent un ensemble cohérent sur la période de l’Occupation allemande en France et ses conséquences.
Le Bon et les Méchants (1976) réunit plusieurs des centres d’intérêt de Lelouch, récurrents dans ses films : le sport (ici la boxe), l’amitié, l’amour, les voitures, les histoires de voyous mais aussi la période de la Collaboration. Lelouch sacrifie à la « mode rétro », deux ans après les scandales de Portier de nuit, Lacombe Lucien et Le Trio Infernal, mais il le fait à sa manière. Il adopte un ton tragicomique, et choisit de télescoper plusieurs éléments historiques comme le gang des tractions avant qui a sévi dans les années d’après-guerre, et la Gestapo française de la rue Lauriston dirigée par Pierre Bonny et Henri Lafont. Le film contient des ruptures de ton, et peut abandonner une apparente insouciance pour aborder frontalement la torture, l’assassinat politique et la délation. Le film montre comment pendant l’Occupation des Français ont pu franchir une ligne qui les a transformés en traîtres ou en salauds. C’est le cas du personnage interprété par Bruno Cremer.
Les Uns et les Autres (1981)
Cette grande fresque historique et musicale, au récit polyphonique, a été décrite par Lelouch comme « le film du souvenir ». Le cinéaste se remémore sa propre expérience d’enfant juif sous l’Occupation. Les Uns et les Autres est un mélodrame au sens premier du terme. Il s’agit d’une œuvre construite comme une symphonie, où la musique réunit tous les personnages à travers les pays, les langues et les époques – le récit se partage entre la France, l’Allemagne, l’URSS et les Etats-Unis, sur plusieurs générations. James Caan et Robert Hossein jouent à la fois les pères et leurs fils, ou des frères jumeaux. Lelouch rend explicitement hommage à son film préféré, Quand passent les cigognes de Kalatozov (la fameuse scène de l’escalier).
Quand on revoit Les Uns et les Autres, on ne peut s’empêcher de penser à Abel Gance, un des maîtres de Lelouch. Les deux cinéastes partagent le goût des grands sentiments, mais aussi de l’avant-garde, de l’expérimentation visuelle et narrative, avec l’ambition commune de produire des œuvres démesurées, qui peut les conduire à l’emphase. L’association inattendue entre Michel Legrand et Francis Lai fonctionne à merveille. Lelouch y ajoute une utilisation récurrente du Boléro de Ravel, dont le mouvement répétitif épouse la structure du film.
Lelouch aborde frontalement dans Les Uns et les Autres la question de la représentation de la Shoah, d’une manière plus responsable et honnête que bien des cinéastes de fiction.
Ce film risqué a été l’un des plus grands succès populaires de Lelouch. Les rapports du cinéaste avec la critique ont souvent été houleux, voire désastreux. Le public a généralement été plus perspicace que la presse, en boudant certaines de ses productions mais en accordant à d’autres, généralement les meilleures, un accueil chaleureux.
Partir, revenir (1985)
Après Les Uns et les Autres, Partir, revenir est une nouvelle fresque historique qui se déroule sur plusieurs temporalités, et aborde la déportation des Juifs. La musique – cette fois-ci le concerto n°2 de Rachmaninov – y joue un rôle central. Dans Partir, revenir, Lelouch ne manque pas d’ambition. Il choisit une structure narrative presque expérimentale, formée de va-et-vient dans le temps qui invitent à voir le film plusieurs fois pour mieux le comprendre. Après Viva la vie, le cinéaste poursuit son approche métaphysique du cinéma. Il y est toujours autant question du hasard, mais aussi de la présence d’une dimension transcendantale qui nous dépasse, comme si l’être humain avait la possibilité d’adhérer à quelque chose de plus grand que lui. Dans Viva la vie, c’étaient des interventions extraterrestres. Dans Partir revenir, il s’agit de la réincarnation, en laquelle croit Michel Piccoli qui interprète pourtant un psychiatre. Partir, revenir est un film dans lequel la mort, le fantastique et les fantômes occupent une place prépondérante. Le thème de la délation, récurent chez Lelouch, est ici abordé sous la forme d’une variation autour du Corbeau de Clouzot
Les trois films sont disponibles gratuitement sur Arte.tv jusqu’au 31 novembre 2024.
Nous signalons également la rétrospective Claude Lelouch à la Cinémathèque française qui se tiendra du 11 au 24 novembre 2024.
Cher Olivier Père
Pourquoi de nombreux films proposés, notamment de vieux films américains, ne sont pas diffusés en VOST ?
C’est irregardables doublés à l’ancienne ☹️
Merci pour votre réponse
Bonjour,
les films classiques américains proposés uniquement en VF (hélas) sont ceux fournis par nos homologues allemands, qui n’ont pas pris les mêmes dispositions que nous (Arte France) pour acheter les films en version originale + le doublage français… Eternel problème. j’en suis désolé autant que vous. J’imagine que vous faites référence aux Sentiers de la gloire diffusé hier soir… Bien à vous,
PS : je pense qu’il est possible de voir en VOSTF ces films sur Arte.tv, même quand ils ne sont diffusés qu’en VF à l’antenne.