Produit par Jacques Bar et écrit par Jean-Claude Carrière, Un homme est mort (1972) figure parmi les grandes réussites de Jacques Deray et surprend aujourd’hui par sa modernité. Au départ de ce projet atypique de film français tourné aux Etats-Unis, il y en a un autre. Les trois hommes arrivent à Los Angeles avec l’idée d’adapter un roman de René Hardy, L’Aigle et le Cheval, avec Henry Fonda dans le rôle principal. Devant le manque d’intérêt des studios hollywoodiens, les Français ne se découragent pas. Plutôt que de rentrer à Paris, Carrière a l’idée de rester à Los Angeles et d’y écrire un film noir dont les protagonistes seraient des gangsters français, et d’établir des parallélismes avec leur propre situation (isolement, observation intriguée de l’American Way of Life). L’initiative est accueillie très favorablement par le producteur et le réalisateur.
Jacques Bar avait déjà produit Du Rififi à Tokyo de Jacques Deray, qui proposait déjà la délocalisation d’un film noir français dans une ville étrangère. Ils décident de s’atteler à un projet similaire, où Los Angeles se substituerait à la capitale japonaise.
Un premier traitement est écrit très vite, avec l’aide du scénariste américain Ian Mc Lellan Hunter (Vacances romaines) qui avait été blacklisté dans les années 1950. Le film se tourne rapidement avec un petit budget et une équipe légère, grâce à United Artists qui a accepté de le distribuer.
Jacques Bar, qui a conservé des contacts à Hollywood, parvient à réunir quelques vedettes américaines : Ann-Margret, Angie Dickinson, et le jeune Roy Scheider qui venait de jouer dans French Connection mais n’était pas encore la vedette qu’il deviendrait après le triomphe des Dents de la mer.
Pour le rôle du tueur français, les auteurs envisagent dans un premier temps Lino Ventura. Mais l’acteur n’est pas connu aux Etats-Unis. Les partenaires américains du film lui préfèrent Jean-Louis Trintignant, auréolé du triomphe international d’Un homme et une femme et de Z. Il est génial dans Un homme est mort.
Un homme est mort se déroule entièrement à Los Angeles. Deray aimait filmer les villes. Ses meilleurs films explorent un paysage urbain particulier où il inscrit ses personnages. Ils narrent plus précisément le cheminement d’un homme vers la mort, dans une ville étrangère, que ce soit Tokyo, Los Angeles ou Barcelone (Un papillon sur l’épaule). Un homme est mort plonge le spectateur dans une société de l’hyperconsommation et de la technologie, où les images et la publicité sont partout, dans les espaces publics et privées.
A partir de l’exécution du contrat, le personnage de Trintignant n’a plus de voiture. Il évolue à pied, ou en bus, dans une ville inféodée à la voiture. Deray adopte donc un point de vue au ras du bitume, fait rare quand on filme Los Angeles. La scène de poursuite à Venice Beach, dans un endroit désert, presque en ruines, utilise magnifiquement ce décor naturel à la fois banal et singulier, sans recherche de pittoresque, avec un résultat quasiment surréaliste. La musique de Michel Legrand joue un rôle important dans le film. Elle donne lui donne son étrange tempo, avec de longues plages de mutisme, de stagnation puis d’accélérations soudaines. Les premières images, filmée d’un avion, sont silencieuses jusqu’au surgissement de la musique trépidante de Legrand au moment même où Trintignant est plongé en taxi dans l’effervescence de cette ville gigantesque.
Malgré son amour du cinéma américain, Deray n’a pas chercher à parodier ou imiter les classiques du film noir hollywoodien. Sa mise en scène est très composée, d’une grande précision, avec une forme de latence, d’observation clinique, et une prédilection pour l’étude comportementale.
La réputation de ce film n’a cessé de grandir au fil des ans, à juste titre. Il possède des particularités remarquables. La diffusion sur ARTE permet de le redécouvrir en version restaurée.
Diffusion sur ARTE le lundi 9 septembre à 20h55.
Disponible sur ARTE.tv jusqu’au 1er mars 2025.
Et aussi en DVD et en Blu-ray, édité par Gaumont.
Deray livre là un des ses meilleurs films, mon préféré sans doute. Mais cette remarque n’engage que moi.
Cette immersion dans L.A. est remarquable, tout comme le choix des lieux. Je ne serai donc pas redondant par rapport à ce que vous avez dit ( Venice Beach quasi méconnaissable).
En plus de la ville, Deray saisit aussi une époque et ses premières dérives: l’information en continu, les reporters omniprésents, dépêchés à chaud sur l’évènement. On sera, tout comme lui, très étonné devant ces mini écrans rivés sur chaque siège de salle d’attente, c’est incroyable…et très pertinent.
Il casse aussi certains codes en introduisant un Roy Scheider (quel plaisir cet acteur) assez maladroit.
Une remarque sur la mort du personnage de Michel Constantin, trainé par un corbillard, image westernienne ( variante du personnage trainé par un cheval ou un chariot) , transposée ici dans le film noir et très rarement vue.
Un film de qui concentre une vraie synergie d’équipe, une volonté de saisir et d’optimiser le moment offert par le studio. C’est centrifugé, concentré à l’extrême. Résultat remarquable, (malheureusement) unique.
Quand même, il est regrettable que le film cède à la convention de faire parler tout le monde en français. Cela affaiblit beaucoup, à mon avis, le propos du film (isolement d’un étranger dans une ville qu’il ne connaît pas).
Bonsoir,
Vous avez parfaitement raison, mais pour des raisons techniques il ne nous a pas été possible de diffuser lundi soir la version française ET la version originale anglaise au choix comme cela était initialement prévu. Nous allons tenter de réparer ce « bug » en proposant bientôt la version originale anglaise sous-titrée sur Arte.tv, puis que nous disposons de plusieurs mois de télévision de rattrapage (« replay ») sur ce film. Je vous tiendrai informé.
Enfin c’est quand même une très belle découverte pour ceux qui comme moi ne connaissaient pas ce film. Je vais d’ailleurs acheter le BLU-RAY pour l’avoir dans mes films.
Très bien. Le BR propose la version originale sous-titrée. Et j’interviens dans les suppléments.
Les supports physiques avec leurs suppléments c’est quand même une grosse plus value. Sans vouloir faire de la publicité à Le Chat qui fume, avez-vous vu deux de leurs dernières sorties assez extraordinaires » Messiah of evil » et « La Maison aux fenêtres qui rient ». Dans l’affirmative, qu’en pensez vous ?
J’apprécie et je soutiens le support physique. Les éditeurs vidéo français font du très bon boulot, c’est la raison pour laquelle je parle souvent des sorties Blu-ray sur ce blog. Messiah of evil et La Maison aux fenêtres qui rient sont deux très bons films fantastiques.
Bonjour. Je ne sais pas ce que vous en pensez mais là je viens de voir « Joe, cest aussi l’Amérique ». Ça a été une vraie claque.
Oui c’est un film important du cinéma américain des années 70. Super que ESC le sorte en France où il était un peu oublié.
Dans la présentation de « Quand la Marabunta gronde » il est indiqué que vous avez écrit le livret de deux Michael Winner qui seront édités en décembre…
Non pas Winner, mais John Frankenheimer : Seconds et Black Sunday.
Pour JOE, le sous titre sur l’affiche originelle était “ Keep America beautiful” …
Une sorte de pré ADN du MAGA éructé depuis 2016.
Deray: grâce à la diff de celui-ci, j’ai revu récemment FLIC STORY c’est absolument remarquable le genre de film qu’on pourrait louper à cause de son titre à la noix!
C’est vrai.
la version originale américaine d’Un homme est mort est désormais disponible sur Arte.tv (en plus de la VF).
merci j’y cours!
euh… pas encore, mais attendons!
merci de m’avoir prévenu. encore un petit réglage visiblement ! désolé.
ça y est, UN HOMME EST MORT est disponible en VOSTF sur Arte.tv, jusqu’au 1er mars 2025. Merci pour votre patience.
youpi! Broadway!
merci
sauf ici!
Vus récemment: Jeanne Du Barry de Maïwenn. Je n’ai rien contre Maïwenn, son film est plastiquement réussi, elle joue bien et qu’elle soit de tous les plans ou presque ne me gêne pas comme certains critiques. Mais pourquoi? Pourquoi ce film, qu’est ce qu’il veut dire, qu’est ce qui le justifie? Et pourquoi Johnny Depp, pourquoi Louis XV qui parle avec un accent anglais? Je n’ai pas compris et je ne l’ai pas terminé.
Et puis, le dernier de Ti West, Maxxxine. Là aussi, je trouve le film insuffisant. Beaucoup de références à l’histoire du film d’horreur, sa réputation sulfureuse, les video clubs, les scream queens, le tremplin pour un cinéma plus respectable, les ambitions artistiques qui cultivent désespérément le leurre de s’exprimer dans dans des suites de suites. Mais la dimension giallo est faible, le père, le détective, l’exorcisme par le sacrifice, le bain de sang final, on quitte la chronique, ce qui aurait pu être un modeste Boogie Night pour plonger dans le grand n’importe quoi archi-rabâché. Dommage. Cinématographiquement par contre, c’est sûrement sa meilleure œuvre, images, montage, musiques, c’est parfait.
je n’ai pas vu le film de Maïwenn.
je suis d’accord que Maxxxine est insuffisant, mais j’ai pris du plaisir à le voir au cinéma et il y a des scènes excitantes, surtout au début. j’ai bien aimé les trois films de Ti West avec Mia Goth.
Ti West est un des rares cinéastes du genre horreur qui m’intéressent au point de le suivre scrupuleusement (productions TV à part). Même son Western vaut le temps qu’on lui consacre. C’est un cinéaste qui construit une vraie œuvre, solide et personnelle, même si très référencée. Vous déclarant un grand fan, je me serai attendu à le voir mieux représenté en ces pages.
Qui d’autre? Jennifer Kent doit continuer à faire ses preuves, Ari Aster se prend pour un génie et se ridiculise. Eggers régresse. Demian Rugna a confirmé sa singularité mais manque de rigueur dans ses scénarios… Le genre est très florissant mais Ti West s’est installé comme l’un de ses auteurs les plus constants.
A vue de nez et sans creuser davantage il n’y aurait qu’un vrai maître de l’horreur aujourd’hui est ce serait Kyoshi Kurosawa qui a très vite réussi à s’approprier ce prestigieux patronyme.
Avez-vous vu les films de S. Craig Zahler ?
oui, j’ai vu Bone Tomahawk, mais c’est son seul film d’horreur. Il a fait un thriller avec Mel Gibson que je n’ai pas vu… Bone Tomahawk était très bien. Avec Vorace, quand on aime le Western et l’Horreur, il fait une paire formidable, et j’ajouterais Prey pour un trio très recommandable.
Je regarde au minimum un film d’horreur par semaine, et je n’ai pas vu 3/4 de ce qui est diffusé. La production est énorme.
Récemment, j’ai bien aimé Abigail. MAIS! Et c’est un mais impératif, il ne faut rien savoir de l’histoire au préalable sinon toute la ruse de l’intrigue est éventée. Et par bonheur, je n’en savais rien.
Il faut voir Brawl in Cell Block 99 c’est incroyable : un film noir avec des scènes gore ultra violentes, à l’ambiance si étrange qu’il bascule dans l’horreur…
Zahler: je l’ai découvert avec BONE TOMAHAWK et TRAÎNÉ SUR LE BITUME.
C’est très distrayant et me laisse à chaque fois avec un petit sentiment de culpabilité qui me laisse voir que c’est un peu complaisant pour des détails par exemple, qui relèvent du cours de chirurgie . J’ai cherché à savoir si les Amérindiens de BONE sont une réalité historique, apparemment non, donc il fait aussi dans le fantastique. Dans BITUME Mel Gibson est étonnamment efficace dans la discrétion de jeu. Ses films se laissent soupçonner de racisme (BONE T) ou de complaisance pour la violence mais les scénarios sont assez travaillés pour qu’on se laisse séduire par l’histoire, ça s’enchaîne bien quoi.
Il faut voir aussi SECTION 99 (BRAWL IN CELL BLOCK 99), souvent chez lui, il y a des extravagances dans le sens gore qui rappelent les extravagances dans un autre sens, parfois voulues comiques, qu’on trouve chez les Cohen.
Il faut que je revoie BITUME j’y pensais récemment.
je découvre qu’il est écrivain et carrément édité par Gallmeister! Ce type a un truc en plus, visiblement…
Il est aussi musicien. Batteur et parolier du groupe Realmbuilder.
C’est effectivement assez incroyable…
Je me plonge directement dans DRAGGED ACROSS CONCRETE (qui n’est jamais sorti en salles; trop long, trop violent?).
Aucun de ses trois films n’est sorti en salle en France, malgré Kurt Russell, Mel Gibson et Vince Vaughn au générique… La vraie mouise !
à revoir les deux Zahler, SECTION 99 est bien supérieur à BITUME, le 1er est plus homogène, cohérent, serré. C’est rigolo car c’est sur la matrice traditionnelle du mélodrame: un homme que son épouse enceinte de lui n’aime plus, sacrifie sa vie pour que celle-ci et leur fille soient heureuses! Zahler évite le cliché de la rupture amoureuse suivie de réconciliation grâce à un acte héroïque du héros qui clôt trop de films d’action.
La partie la moins spectaculaire: le séjour dans la prison modèle, est filmée découpée avec tant de soin qu’elle retient l’attention autant que la partie action et gore dans la prison enfer (absolument délirante, Envoyé Spécial aurait dû y consacrer un numéro à celle-ci!).
Malheureusemen, la fin de BITUME se dilue dans des bavardages encombrants et la happy end fait baîller par sa convention.
Cette nuit UN HOMME EST MORT a été diffusé en VF, il faut bien le voir sur ArteTV pour avoir la VO seule (avec le logo Arte).
Il faudrait Olivier, qu’il y ait sur la page Accueil un endroit avec les derniers commentaires des internautes.
Bonne journée.
Oui Un homme est mort est diffusé en VF à l’antenne et est disponible en VO sur Arte.tv, c’est un cas un peu particulier (les montages des deux versions sont légèrement différents).
y’a des grosses différences entre les versions?
voici les notes de la MGM au sujet des différences entre les versions :
RUNNING TIME: FRENCH VERSION 110 MIN.
ENGLISH VERSION 104 MIN. / COLOR
FILM’S ORIGINAL PRODUCER WAS CITE-FILMS WHO HOLDS MOST ELEMENTS IN FRANCE.
AKA’S: Un Homme Est Mort, Funerale A Los Angeles
Dir: Jacques Deray
Cast: Roy Scheider, Angie Dickinson, Ann-Margaret, Jean-Louis Trintignant, John Hillerman, Talia Shire
The ENGLISH version is considered the original.
Main Titles are over picture. End Titles are over picture, then black.
THERE ARE ENGLISH SUBTITLES IN REELS 1, 2, & 5.
NOTE: This film has several versions: While there is a French version and an English version, both versions contain alternate footage for Reel 3A where the action takes place in a topless bar: In the version included in our most recent masters, the exotic dancers are fully naked (though painted) and many of the female bar staff are topless. The alternate footage (located at the end of picture following the textless material on both the French and English cuts) was shot with the formerly nude background actors now in bikinis.
This film was originally shot in English, with many scenes featuring the lead actor (Trintignant) having alternate takes where he speaks French (while the other American actors speak English). The film was then dubbed in French for the French version (using these alternate takes). The French version also consists of several longer sequences throughout the film: Driving sequences, walks down hallways, entrances and exits to and from buildings, a phone rings 3x times longer before the actor answers it, etc. These extended scenes make up the 6 minutes difference in runtimes between the French and English versions. The scene in the nudie bar (although it features alternate French- and English-speaking takes) has basically the same duration in both versions. The « clothed » scene also skips a cutaway shot to two topless bartenders (even though the said bartenders are present – and wearing bikini tops) in the re-shot footage. This is because Ann-Margret’s character specifically refers to them as having their « tits hanging out. »
merci
principalement la version anglaise dite « originale » évite les entrées-sorties de buiding, un téléphone sonne moins de fois avant d’être décroché etc.
il y a une histoire de nudités féminines dévoilées ou pas mais j’ai pas bien compris dans quelle version ceci ou celà bref ça fait pas grande différence
Oui ce sont des différences minimes…