L’Arme à gauche (1965) de Claude Sautet vient d’être édité en BR chez Tamasa, à peu près au même moment que Classe tous risques, son film précédent, chez un éditeur différent (Coin de Mire). Si tout le monde s’accorde aujourd’hui à considérer Classe tous risques comme un film remarquable, malgré son échec au moment de sa sortie, L’Arme à gauche, moins abouti, mal aimé par son auteur, ne doit pas être top sous-estimé et possède de nombreuses qualités. A la manière du Salaire de la peur de Clouzot quelques années auparavant, il s’agit d’un projet très ambitieux qui entend proposer une version française de certains classiques du cinéma américain d’aventures, dans un contexte exotique et maritime. Sautet adapte ici un roman de Charles Williams, auteur de séries noires souvent portées au cinéma. L’action se déroule dans les Caraïbes. Sautet retrouve Lino Ventura, crédible en aventurier taciturne, tombé dans un traquenard et opposé à des trafiquants d’armes. Considéré mineur dans la carrière de Sautet, à commencer par son auteur lui-même, L’Arme à gauche est un film à part dans la carrière du cinéaste, car il s’inspire directement du cinéma américain de Hawks (Le Port de l’angoisse), Huston (Key Largo) et Curtiz (Trafic en haute mer) et témoigne de la passion cinéphile du cinéaste pour le film noir hollywoodien. Malheureusement ce huis-clos entre ciel et mer qui réunit un aventurier français, des gangsters américains et une femme fatale a souffert de problèmes de tournage et n’est pas totalement à la hauteur de ses modèles. Sautet voulait tourner entièrement son film en extérieurs mais fut contraint de délocaliser en studios les scènes de mer, ce qui entraîna des dépassements de budget. Cet échec relatif va éloigner Sautet plusieurs années de la mise en scène avant son retour en force avec Les Choses de la vie. Il faut néanmoins le conseiller aux admirateurs de Sautet, et à eux de Ventura toujours crédible en homme d’action. On remarque la présence de Leo Gordon dans le rôle du brutal trafiquant d’armes, second couteau remarqué chez Don Siegel, Raoul Walsh ou Allan Dwan, et de Sylva Koscina, l’une des actrices les plus sexy du cinéma italien des années 60, mais dont Sautet ne fut pas très satisfait – il aurait préféré Lea Massari, qu’il pourra diriger cinq ans plus tard dans Les Choses de la vie.
L’Arme à gauche est proposé dans un excellent Combo DVD/BR, avec un livret contenant (entre autres choses) la critique (positive) de Jean-Louis Bory publiée à l’époque de la sortie du film, et une excellente présentation filmée (en noir en blanc) de Bernard Payen de la cinémathèque française. Payen analyse L’Arme à gauche dans ses moindres détails, et en souligne les aspects curieux, érotiques et insolites. Il revoit le film à la hausse hausse y compris par rapport à ce qu’on lui a longtemps reproché, comme la lenteur et la longueur de la première partie. Payen y retrouve le goût de Sautet pour les plages d’attente avant les explosions de violence, ainsi que les études comportementalistes – Ventura incarne un homme solitaire et blessé, au passé mystérieux, pas si éloigné que ça de son personnage dans Classe tous risques. Sautet filme bien la présence massive et pesante de Ventura. Payen se livre aussi à des comparaisons entre le roman et le film. Les images d’archives de Sautet sur le tournage chaotique des scènes de bateau reconstituées en studio sont rares et étonnantes. Sylva Koscina et Ventura font le job pour la promo, tandis que Sautet a l’air très inquiet (comme souvent). Il garda un souvenir épouvantable du tournage, honteux d’avoir réalisé un « faux film américain » sans les acteurs qu’il aurait souhaité.
Bonjour. Cela n’a rien à voir mais avez-vous vu Le Cœur fou qui vient d’être édité par Le Chat qui fume ? Si c’est le cas que pensez-vous de ce film assez extraordinaire ? Merci d’avance.
Le Cœur fou de Jean-Gabriel Albicocco sorti en 1970. Oui je l’ai vu c’est un film très étrange et atypique dans le cinéma français. une redécouverte.