Dès le 1er mars, ARTE.tv propose la première partie d’un cycle consacré à Robert Guédiguian, avec cinq films disponibles gratuitement sur notre plateforme. Avec en prime une conversation inédite où le réalisateur marseillais revient sur sa filmographie. Cinq autres films suivront en septembre. Le mercredi 29 mai à 20h55, ARTE diffusera Gloria Mundi.
Dernier Été
Et si le premier film de Robert Guédiguian, co-réalisé par Frank Le Wita, était aussi son plus beau ? Dernier Été marque l’acte de naissance du cinéma de l’auteur marseillais, en 1981. Les fidèles Gérard Meylan et Ariane Ascaride répondent déjà présents. Guédiguian s’inspire d’Accattone de Pasolini et raconte le quotidien de Gilbert et ses amis, enfants de prolétaires qui trompent leur ennui dans le pastis, les boulots occasionnels sur le port, les petits larcins, la drague et la bagarre dans les bals. Pourtant, il n’y a rien d’anecdotique dans la démarche de Guédiguian qui s’attache à décrire la fin du monde ouvrier, programmé par la fermeture prochaine des usines, et la disparation de certains lieux de vie. Scandé par la musique de Vivaldi, Dernier été transcende le pittoresque et le naturalisme et choisit le lyrisme et le tragique.
L’argent fait le bonheur
A l’origine produit pour la télévision, L’argent fait le bonheur est sorti en salles en 1993. Robert Guédiguian décrit la vie des habitants d’une cité dans les quartiers nord de Marseille, minée par le chômage, la délinquance, le trafic de drogue et la prostitution. Sans noircir le trait, le cinéaste fait preuve d’une courageuse lucidité. Plutôt que d’opter pour une forme documentaire, il choisit de réaliser un conte brechtien. Selon lui le cinéma ne doit pas se tenir au constat, mais être aussi dans la proposition. Puisque les solutions globales n’existent pas pour lutter contre la violence et la misère, il faut trouver des arrangements de proximité. C’est ce que raconte L’argent fait le bonheur, dans lequel un curé de banlieue et des mères de famille tentent de régler les problèmes urgents et d’apaiser des situations explosives, sans angélisme mais avec pas mal d’humour et beaucoup de bonne volonté.
A la vie, à la mort
Les membres d’une famille et leurs amis marginaux, tous blessés par la vie, persistent à croire au bonheur et forment une communauté soudée, au bord de la précarité mais toujours prête à recueillir de nouvelles âmes en peine. Réalisé en 1995, A la vie, à la mort est un hymne à la résistance et à la solidarité de classe. Devant la misère et l’injustice sociale, Robert Guédiguian et ses personnages refusent de baisser les bras. Chacun fait face à l’adversité et part à la recherche de solutions, quitte à sacrifier ses rêves personnels et même sa propre existence pour que la communauté puisse survivre. A la vie, à la mort est un film manifeste, une croyance dans l’utopie où s’expriment les convictions politiques de Guédiguian, indissociables de sa manière de faire du cinéma, avec son clan, entouré de camarades et de lieux qu’il aime.
Marius et Jeannette
Robert Guédiguian, dont c’est le septième long métrage, met en scène la naissance de l’amour entre Jeannette, une caissière mère de deux enfants, veuve d’un travailleur immigré, et Marius, un gardien de chantier au passé mystérieux. Quadragénaires solitaires blessés par la vie, ils sont prêts à se battre pour retrouver le bonheur. Robert Guédiguian assume la comédie, le mélodrame et même le roman-photo, tout en proposant un petit inventaire des valeurs fondatrices de son cinéma. Avec Marius et Jeannette, il ne fait aucun doute que le cinéaste entend « réenchanter » le monde ouvrier et le peuple de gauche, dans une fiction optimiste qui laisse néanmoins entrer les inquiétudes de l’époque et les cicatrices de l’Histoire. Il ne s’agit pas de rendre leur dignité à des hommes et des femmes qui ne l’ont jamais perdue, mais de leur conférer une dimension héroïque. Une pluie de récompenses et plus de 2 600 000 spectateurs en 1997 pour ce conte de l’Estaque, le triomphe de Robert Guédiguian.
A l’attaque !
A l’attaque ! réalisé en 1999, est un film un peu à part dans la carrière de Robert Guédiguian. Pourquoi ? Parce que le cinéaste s’amuse avec les effets de distanciation et met en scène deux scénaristes qui, entre le jardin et la machine à café, imaginent l’histoire du film que le spectateur est en train de voir, et testent différentes versions de leur intrigue. Ce procédé est emprunté à La Fête à Henriette de Julien Duvivier, que Guédiguian affectionne. A l’attaque ! est donc un film qui nous renseigne sur la manière dont Guédiguian écrit et conçoit ses projets, presque un plaidoyer pro domo envisagé sur un mode guilleret. C’est aussi un conte optimiste qui aborde des questions graves comme l’endettement, le chômage, la mondialisation, dans le prolongement de ses longs métrages précédents A la vie, à la mort ou Marius et Jeannette. Et bien entendu, A l’attaque ! rime avec A l’Estaque !
J’ai particulièrement aimé votre échange avec Robert Guediguian. J’ai appris beaucoup de choses (je viens de lire vos présentations des films) et par chance, sur les films proposés, à part Marius et Jeannette, je ne connaissais pas les autres . Que du bonheur ! Je me disais en vous écoutant : c’est formidable comment Olivier Père mais en valeur l’œuvre de Guediguian avec tellement de compréhension et d’intelligence… et presque d’affection ; j’ai adoré, merci !
merci !