Olivier Père

Insomnia de Christopher Nolan

L’inspecteur Will Dormer (Al Pacino) est une célébrité de la police de Los Angeles appelée en Alaska avec son jeune co-équipier pour élucider les circonstances du meurtre d’une adolescente. Dormer a accepté ce voyage dans l’espoir d’échapper à une enquête menée contre lui par la police des polices au sujet d’une affaire trouble qui ne sera révélée au spectateur qu’à la fin du film. Dormer réussit rapidement à dresser le profil de l’assassin. Ses investigations et ses brillantes déductions sont sur le point de faire aboutir à l’arrestation d’un suspect lorsque Dormer, surpris par le brouillard, abat par erreur son collègue et laisse le meurtrier présumé prendre la fuite. Dormer dissimule à la police locale sa responsabilité dans le drame, tandis que l’assassin (Robin Williams), qui a assisté à la scène, entre en contact avec le flic dans l’espoir de conclure un marché avec lui : son silence contre l’abandon de l’enquête. S’ensuit un bras de fer entre le flic usé (le soleil qui éclaire l’Alaska de jour comme de nuit à cette période de l’année l’afflige d’une pénible insomnie) et le tueur vicieux, sous le regard d’une jeune femme-flic (Hilary Swank) qui a écrit un mémoire sur les méthodes de Dormer et décèle l’ambiguïté du comportement de son idole.

Le succès de Memento (2000) son second long métrage, avait ouvert au réalisateur-scénariste britannique Christopher Nolan les portes d’Hollywood en quête de nouveaux talents susceptibles de réussir des « blockbusters » tout en y apportant une touche artistique et une plus-value sur le plan de la mise en scène et de la direction d’acteurs. Avec ce remake d’un polar homonyme norvégien de 1997 coproduit par Steven Soderbergh (c’est lui qui imposa le jeune cinéaste), distribué par Warner et interprété par des acteurs oscarisés, Nolan fut contraint de revoir ses ambitions créatrices à la baisse, condition sine qua non de son intronisation dans les studios américains. Il n’y a pourtant aucune provocation à préférer Insomnia, plus adulte, au surprenant mais tapageur Memento. Memento s’étourdissait de ses propres audaces, Insomnia est tout simplement un excellent polar. Les deux films annoncent la suite de l’œuvre de Nolan, en équilibre entre néoclassicisme, virtuosité et expérimentation.

Histoire policière tendue construite autour de l’affrontement psychologique d’un flic et d’un tueur, le film de Nolan bénéficie en d’un scénario intelligent qui évite les rebondissements habituels du film de tueur en série pour insister sur le dilemme moral du flic, magnifiquement interprété par Pacino. L’acteur passe de la fébrilité à l’épuisement avec son intensité habituelle. Nolan poursuit avec Insomnia son travail sur la subjectivité au cinéma ébauché dans Following et Memento, avec une grande efficacité dramatique. Le film épouse constamment le point de vue de Pacino, tourmenté par la culpabilité et la question du choix, et en proie à des hallucinations auditives et visuelles provoquées par le manque de sommeil. Nolan s’affirme avec Insomnia comme un cinéaste inspiré.

 

Diffusion dimanche 10 mars à 21h sur ARTE.

Catégories : Sur ARTE

Un commentaire

  1. MB dit :

    pour une fois je ne suis pas d’accord, le souci est que ce film est pavé d’énormes signaux qui nous permettent plus facilement de piger toute la symbolique bateau
    Déjà pour qu’on pige bien, le héros s’appele « Dormer ». Il a osé.
    tapez pas, Olivier, je vais le revoir

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