Mercedes, une entraîneuse du cabaret Salón México, amasse chaque semaine la somme d’argent nécessaire pour payer les coûteuses études de sa jeune sœur Béatrice, pensionnaire dans une institution huppée. Elle espère ainsi lui offrir un avenir plus radieux que le sien. Personne ne connaît la double vie épuisante de Mercedes, à l’exception d’un agent de police qui tente de lui venir en aide.
Emilio Fernández (1904-1986) est une légende du cinéma mexicain classique. Acteur, réalisateur, scénariste, producteur, cet homme à la vie mouvementé s’affirma comme l’incarnation du cinéma de son pays dans les années 40, ainsi que son meilleur ambassadeur. Maria Candelaria, l’un de ses titres de gloire, remporta le Grand Prix (ancêtre de la Palme d’or) au Festival de Cannes en 1946. Surnommé « El Indio » en raison de son métissage indien (sa mère était une indigène kikapu, son père un colonel d’une des armées de la révolution de 1910), Fernández est mêlé très jeune aux soubresauts de l’histoire de son pays. Compagnon d’armes de Pancho Villa, blessé et emprisonné à la suite de sa participation à un putsch raté, il s’évade et se réfugie à Hollywood où il exerce de nombreux métiers, notamment doublure de vedettes pour les scènes dangereuses. Amnistié en 1933, il rentre au Mexique où il réalise son premier long métrage en 1941. Parallèlement à sa carrière de cinéaste (41 films), il apparait en tant qu’acteur au générique de nombreuses productions, aussi bien au Mexique qu’aux Etats-Unis. Son chemin croise celui de John Ford, John Huston (il participe à la production Dieu et mort et La Nuit de l’Iguane), Sam Peckinpah (il interprète le général sanguinaire de La Horde sauvage). Salón México est le treizième long métrage réalisé par Fernández. Le club qui donne son titre au film a rééllement existé. Ce lieu de débauche était fréquenté par des bandits, des prolétaires et des clients avides de sensations fortes. C’était aussi une salle qui organisait des concours de danse, comme le montre la première séquence.
Le cinéaste intègre le folklore traditionnel mexicain (musiques afro-caribéennes, célébrations de Noël et piñata) à un commentaire social qui souligne l’écart entre les classes aisées et le peuple, contraint à la misère. Ce superbe mélodrame, riche en rebondissements et en émotions fortes, comprend aussi des éléments de film noir et de tragédie. Salón México est empreint de ferveur chrétienne, et glorifie le sens de l’abnégation de Mercedes qui connait un véritable martyre, victime de la violence de son souteneur, acculée au crime pour sauver sa sœur. Salón México est une œuvre d’une remarquable ampleur visuelle. Fernandez et son directeur de la photographie Gabriel Figueroa privilégient les décors urbains et tirent un excellent parti des ambiances nocturnes de la ville. Salón México compte parmi les fleurons de l’âge d’or du cinéma mexicain, et vient rappeler la sophistication des mises en scène de Fernández. L’actrice Marga López, vedette d’origine argentine, y livre l’interprétation la plus émouvante de sa carrière.
Salón México (Les Bas-fonds de Mexico, 1949) de Emilio Fernández sort en salle le mercredi 10 juin, distribué par Les Films du Camélia. Texte écrit pour le dossier de presse.
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