Olivier Père

Conversation avec Udo Kier

L’acteur allemand Udo Kier était en août 2023 l’invité du Festival de Locarno, où nous avons pu animer une rencontre avec lui.

Né en 1944 à Cologne, apparu dans plus de 270 films et séries à ce jour, Udo Kier est une icône absolue du cinéma trash et arty, un comédien fascinant dont le visage taillé à la serpe, le corps reptilien et le regard d’un bleu azur évoquaient immanquablement au début de sa carrière les esquisses d’éphèbes dessinés par Cocteau. Dans les années 70, Udo Kier a beaucoup fréquenté les marges du cinéma d’auteur et commercial, voguant entre Jancso, Fassbinder, Schroeter et d’improbables films d’exploitation, rival plausible de Helmut Berger et Klaus Kinski, autres idoles capricieuses aux filmographies apocalyptiques. Udo Kier fait cependant preuve d’une certaine constance dans le dandysme, véritable Des Esseintes de l’écran abonné à la folie, la maladie et la mort. Son physique inquiétant et son port aristocratique le cantonnent longtemps aux rôles de séducteurs dépravés, vampires et autres personnages mondains et ambigus, dans une flopée de porno soft européens et films d’horreur (Histoire d’O, Spermula, Docteur Jekyll et les femmes, Lulu – où il interprète Jack l’éventreur, mais aussi La Marque du diable, Suspiria, Exposé…). Sa présence régulière dans la troupe de Fassbinder entre 1977 et 1981 (La Troisième Génération, Lili Marleen…) lui vaut d’apparaître ensuite dans les films d’admirateurs nommés Gus Van Sant (My Own Private Idaho, son premier tournage américain) et Lars von Trier, dont il devient l’un des acteurs fétiches, de Medea à la troisième saison de The Kingdom. Dans les années 90, Udo Kier hante les blockbusters et les films de genre à Hollywood où il décide de s’installer, donnant la réplique à Pamela Anderson, Jim Carrey ou Arnold Schwarzenegger, sans renoncer à son statut de diva queer et de star de l’underground. Mais ses plus belles compositions demeurent Dracula et Frankenstein dans les productions semi-parodiques de Andy Warhol et Paul Morrissey réalisées en Italie en 1974, où Kier enfile comme un gant les personnages décadents du vampire anémique et du savant fou. Dans Du sang pour Dracula, Udo Kier réussit une inoubliable incarnation – et mise en pièces – du héros de Bram Stoker à l’écran, créature moribonde et poudrée victime du relâchement des mœurs (impossible de trouver du sang de jeunes filles vierges, même dans l’Italie catholique) et de la lutte des classes (le majordome communiste de ses hôtes les a déjà dépucelées). Sous l’humour salace et le ridicule des situations, Udo Kier parvient à rendre le comte Dracula à la fois pathétique et bouleversant, monstre romantique dont l’extinction violente marque la fin du monde féodal. Le vénéneux Udo Kier, qui n’a jamais raté une occasion de jouer les beaux bizarres et les anges déchus. On le retrouve sur ARTE lundi 31octobre à 22h25 dans l’excellent Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, dystopie brésilienne où il interprète un féroce émule du comte Zaroff, organisateur de safaris sanglants dans le sertão.

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Un commentaire

  1. ballantrae dit :

    Sacré Udo Kier! Une présence incroyable depuis des décennies.
    Inoubliable dans bien des films mais je retiendrai son Jason dans le Medee de LVT ou encore son double rôle dans la série The kingdom du même cinéaste.
    Il a la beauté dérangeante du diable et sait faire peur.

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