Olivier Père

Bowling Saturne : entretien avec Patricia Mazuy

Bowling Saturne sort le 29 octobre, distribué par Paname Distribution. C’est un film extraordinaire qui marque le retour en force de Patricia Mazuy, à laquelle la Cinémathèque française consacre une rétrospective du 24 au 30 octobre. A noter aussi, la réédition de son premier film Peaux de vaches en version restaurée Blu-ray/DVD/livre chez Les Films de la Traversée. Tout ça permettra de vérifier que Mazuy est une excellente cinéaste, qui a commencé sa carrière avec un vrai western rural et la poursuit aujourd’hui avec un thriller urbain à ne rater sous aucun prétexte.

 

Olivier Père : Bowling Saturne est un film noir. Quelles étaient vos références, pas seulement américaines puisque vous citez aussi Nagisa Oshima et des films coréens récents comme JSA – Joint Security Area de Park Chan-wook ?

Patricia Mazuy : Les films qui m’habitent sont souvent américains mais aussi russes, japonais, coréens…

Au début de l’écriture, nous avions beaucoup pensé avec Yves Thomas, le scénariste, à Traquenard (Party Girl, 1958) le film génial de Nicholas Ray, dans lequel l’avocat véreux interprété par Robert Taylor est un être bloqué, empêché, comme le personnage de policier au destin brillant tout tracé, Guillaume. Quand on écrivait la dernière partie du film, avec la bande des vieux chasseurs qui a privatisé le bowling pour leur dîner annuel, j’ai repensé à un film de Nagisa Oshima de 1967 A propos des chansons paillardes au Japon.  Dans le film d’Oshima, l’ancestralité venait des chants eux-mêmes. Dans Bowling Saturne, l’ancestralité est incarnée par les images de chasse, mais le souvenir du film d’Oshima m’a donné confiance pour construire le rythme de la scène du dîner des chasseurs, pour les temps de suspens et d’adrénaline tandis qu’ils se repaissent de leurs images de chasse. 

Mais ensuite, dans la fabrication, on oublie la cinéphilie et les influences, on est dans le présent du film et dans l’action. L’aventure du film était de tracer une tragédie au présent, un « film noir » inscrit dans le monde actuel :  impliquer quelque chose d’aujourd’hui dans un film qui traite d’héritage et de violence, d’une manière primitive.

OP: Qui dit film noir dit atmosphère d’une ville la nuit. C’est votre premier film urbain, comment l’avez-vous appréhendé ? Où avez-vous tourné Bowling Saturne ?

PM : Nous avons filmé successivement dans trois villes différentes, dans un désordre de tournage compliqué à gérer pour les acteurs et la mise en scène, afin de construire le monde du film, sa ville composite, son commissariat historique mais en travaux, son bowling en sous-sol surmonté d’un appartement fou, celui du père mort. On a donc assemblé un puzzle entre Caen, Deauville et Lisieux pour donner naissance à « la ville du film ».

Chaque fois que je réalise un film, j’ai peur comme si c’était la première fois. Je crois que j’aime l’idée de faire quelque chose que je n’ai jamais fait avant.  C’était effectivement la première fois que je voulais donner le sentiment d’une ville, même si on la voit très peu à l’écran. Il fallait la sentir, en mélangeant centre historique et nouveaux quartiers. C’est à Caen qu’on a trouvé cet aspect hétéroclite. La nuit, la pluie, c’était bien de les affronter. Quant au bowling en sous-sol, filmé à Deauville pour la salle et à Lisieux pour le tunnel d’arrivée, il apporte cette atmosphère urbaine que je cherchais. C’est un simple souterrain comme on n’en trouve qu’en ville mais c’est aussi la porte qui descend vers l’enfer. La couleur rouge arrive et s’y tient. On peut appeler ça un hommage cinéphilique à Nicholas Ray ; on peut penser au sang, à la beauté du rouge dans un univers sombre…

OP : Qu’est-ce qui vous attirait dans l’univers du film noir ?

PM : L’exploration des clichés contenus dans ce qu’on appelle « le cinéma de genre », où l’on épure sans cesse, donne finalement la liberté d’être complexe.  

La voiture, les hommes virils, les femmes qui sortent dehors seules, les cadavres exhibés, le policier, le tueur, le marginal, ce sont les clichés du genre, les ingrédients types du thriller basique. Je crois que le film utilise ces éléments basiques qu’on connaît tous, pour tenter une descente dans un monde très complexe. C’est le monde de maintenant, où tout est dur, violent, où les rapports sont régis par les règles de domination, qu’elles soient héritées, ou circonstancielles. Le rythme, l’image et la manière dont les acteurs habitent leurs personnages créent un film qui est comme un cauchemar sourd et tendu du début à la fin, avec des silences déstabilisants, alors qu’il n’y a qu’une seule scène de meurtre. On est dans le réel, mais avec une ambiance onirique et opaque, où les mots sont rares et résonnent dans des corps enfermés.

OP : Comment avez-vous appréhendé la violence contenue dans le film ?

PM: L’un des défis de la mise en scène, c’était le traitement de la violence. Fallait-il la filmer, ou la laisser hors-champ, ce qui est souvent la bonne solution ? je me suis dit que si je mettais la violence hors-champ dans ce film, je ne traitais pas mon sujet « d’où sourd la violence, comment nait-elle ? » Je ne voulais pas être dans l’évitement. Je devais faire preuve de courage. En revanche, je pense qu’une seule scène meurtre, celui de Gloria, est suffisante. Pas la peine d’en rajouter.

OP : Justement, comment avez-vous envisagé, sur le plan de la mise en scène et de la direction d’acteur, la scène très difficile du premier meurtre ?

PM : J’ai préparé la scène avec les acteurs, Achille Reggiani et Leila Muse.

La scène de meurtre ne pouvait pas être filmée telle qu’elle était décrite dans le scénario, à la manière d’un enchainement mécanique de causes et de conséquences : ils couchent ensemble, elle jouit, ça l’énerve et il la tue. Il fallait construire un dérapage, le moment où ça bascule, la zone grise où l’on questionne le consentement, et donc imaginer aussi un avant insouciant. Achille Reggiani et Leila Muse présentaient l’avantage de bien se connaître. Ils étaient de vrais compagnons de boulot à l’école du Théâtre National de Strasbourg. C’était un acquis énorme, parce qu’il y avait un rapport de confiance tangible entre eux. Ce qu’ils donnent tous les deux dans cette scène n’a été possible aussi que parce qu’à la base il y avait cette confiance dans l’autre. Nous avons construit la scène ensemble. Ils ont énormément apporté et proposé.

Nous avons décomposé la scène en trois moments : le rire et la jeunesse ; le rite lorsqu’ils se déshabillent et qu’Armand regarde le sexe de Gloria avec l’espoir que cela puisse bien se passer. Pour cet instant, je me suis inspirée de l’affiche du film de Nagisa Oshima Les Plaisirs de la chair. Cette image m’a beaucoup aidée. Ensuite, un acte sexuel qui se transforme en violence, avec des ellipses qui donnent pourtant l’impression que tout se déroule en temps réel. Sur cette dernière partie, on avait défini des temps très précis. Les deux acteurs ont ensuite travaillé avec le cascadeur Alexandre Vu pour chorégraphier toute la scène du lit. Je regardais des étapes, on simplifiait encore, les temps étaient fondamentaux car on était presque dans une composition théâtrale. C’était pour qu’au tournage les gestes soient « inscrits », afin qu’ils puissent garder un espace de jeu, ne pas être mécanisés par la technique, basculer du rire au rite, de la tendresse à la violence « sans s’en rendre compte ». Et ce « sans s’en rendre compte », il fallait qu’ils aient l’espace de le jouer. Nous avons donc beaucoup répété « le lit », dans le décor nu d’une salle de boxe, sur un matelas plastique. Au moment du tournage, c’est la seule scène où j’étais dans une autre pièce et ne venais les voir qu’entre les prises, quand Mathilde Koch l’habilleuse les avait protégés d’un peignoir pour les préserver.

OP: Considérez-vous Bowling Saturne comme une tragédie moderne ?

PM: Oui. Il fallait assumer la dimension tragique du projet. On est dans un cauchemar, les gens parlent, sont traversés par le passif, gardent un silence, puis lâchent un mot. Ça nous met dans un réel qui n’est pas le naturel quotidien. Le chien noir est juste un chien noir, et il est aussi le fantôme du père.

Lorsqu’Armand part dans la camionnette avec la musique à fond, je considère qu’il devient une figure tragique qui accepte son destin. Et il fait peur. Il n’y a pas de raison objective pour qu’un gamin paumé et frustré devienne un tueur. Si on donne une explication psychologique à un meurtre, on est foutu. Il ne faut pas non plus trouver des excuses.

Il n’y a pas qu’une seule raison, il y a un enchainement de raisons : l’appartement du père d’Armand, son invisibilité d’avant, son passé, la société qui l’entoure, et puis aussi lui, surtout lui, et son héritage, comme le démontre sa relation avec son frère.

Quant à Guillaume, il est écrasé sans le savoir par la culpabilité. Il ne comprend pas pourquoi il n’y arrive pas à résoudre cette enquête mais il s’accroche. Les deux frères sont enfermés et isolés dans leurs peurs, Guillaume avec sa culpabilité, Armand avec son invisibilité dans la vie au départ du film. Nous sommes dans la tragédie, avec des grands temps de silence. J’ai voulu créer une forme de tension lente. Le film n’est pas très narratif, mais plutôt dans la matière et la sensation, dans la première partie avec Armand, puis dans la non-action avec Guillaume. C’était l’un des défis du film : montrer Guillaume englué dans une enquête qui piétine, sans qu’il apparaisse comme personnage raté ou mou.

La tragédie dans le film ne concerne pas seulement les rapports entre deux frères, celui qui est devenu policier et le fils répudié. Elle s’étend à l’état du monde, plongé dans le chaos.

C’est un film sur l’inconscient d’une société malade, et sur l’héritage du XXème siècle, plein de sauvagerie. Il fallait réussir à le faire comprendre sans passer par les dialogues, et sans être caricatural. Les chasseurs représentent le pouvoir, la richesse. Un safari en Afrique pour tuer un lion ou un hippopotame, c’est leur adrénaline de vie, et cela représente des centaines de milliers d’euros. Ils asservissent tout à la satisfaction de leurs pulsions, et de leur passion. Ils se lancent dans la quête d’un absolu, et en même temps ce sont de vieux beaufs terrifiants qui agissent comme dans une secte antique sûre de son pouvoir absolu. C’est aussi leur décontraction qui les rend terrifiants, non ?

Dans sa dernière partie, le film bascule dans un chaos baroque presque fantastique, avec la fête des chasseurs dans le bowling et la projection des films de chasse. On a l’impression du cauchemar qui se répand, et en même temps cette projection a un effet de réel déstabilisant. Ces films existent, il y a des sociétés de production spécialisées dans les tournages de films pendant des safaris avec des meurtres d’animaux en direct. La chasse au sens large est l’expérience du pouvoir.

OP: Le film dresse un bilan assez pessimiste des relations entre les hommes et les femmes…

PM: C’est un film sur deux hommes, où les deux figures de femme sont fondamentales. C’est peut-être là que se situe le rapport au cinéma de genre. Nous sommes dans des archétypes : le flic, le tueur, Xuan la femme volontaire et Gloria la jeunesse, « la vie vivante » comme chez Dostoïevski. Il fallait que ces archétypes accèdent à une nouvelle forme de modernité, à une certaine profondeur.   

OP: Diriez-vous que le film est féministe ?

PM: Je ne m’en rendais pas compte avant le tournage et le montage, mais maintenant, c’est celui de mes films où je sens pour la première fois peut-être que c’est une femme qui l’a « regardé et filmé ». Avant, sur mes films précédents, je ne comprenais pas pourquoi on me posait la question. Là, la question a du sens par rapport au fond que touche le film. Bowling Saturne montre une plaie ouverte dans les rapports entre les hommes et les femmes. Je regarde deux hommes et une virilité complexe, entre héritage et empêchement, frustration et violence, férocité et attraction, rapport au sexe et à l’invisible. Leila Muse qui incarne Gloria porte sur ses épaules la force, la joie, le désir de vie et le réflexe de vie. Elle charge de puissance féminine l’hors-champ des cadavres qu’on trouvera jetés ensuite. Gloria n’est pas une victime. Mais elle le devient, pendant le temps présent du premier meurtre. Le regard de Xuan sur la communauté des chasseurs porte son mépris envers un certain type de domination, et les puissants sûrs de leur impunité. Il me semble qu’il y a quelque chose de très actuel dans ce tableau de chasse. 

OP: Pouvez-vous nous parler de vos trois comédiens principaux et des personnages qu’ils interprètent ?

PM: Achille Reggiani est mon fils. J’admire la manière dont il aborde son travail en profondeur. Lui confier le rôle d’Armand n’a pas été simple, c’était une idée qui me faisait peur. C’est Antoinette Boulat (qui a fait le casting d’Armand) et Yves Thomas qui m’ont convaincue de lui faire passer un essai. Cet essai s’est révélé plus que concluant. Personne n’arrivait à promettre un Armand potentiellement aussi fort, mélange de puissance, de terreur et de douceur. Achille n’est pas un acteur que l’on vole. Il sait quelle direction travailler pour pouvoir continuer à se mettre en danger dans le jeu. Il était conscient de construire un personnage terrible. Il fallait qu’il fasse peur. Il ne s’agissait pas de sauver le personnage. Dans le film personne n’est sauvé d’ailleurs. Ils sont tous livrés à leur solitude, c’est le tableau d’un monde noir.

Achille a très bien compris que ce rôle demandait beaucoup de préparation et un énorme investissement personnel. Je suis heureuse pour le film qu’il ait accepté d’y participer. Il a construit son jeu en intégrant toutes les étapes d’Armand, de l’invisibilité du début, qui semble « non acteur », au monstre qui suit et traverse la deuxième partie du film.

Dès l’écriture, le défi du film était de montrer la naissance du monstre. Il fallait faire ressentir au spectateur que ce jeune homme tue pour la première fois. C’est un garçon qui a beaucoup de problèmes, mais cela n’explique pas qu’il se transforme en assassin. Il fallait faire entrer les thèmes du destin et de la tragédie dans le film. La souffrance sociale et familiale d’Armand n’est pas une excuse, elle est un élément parmi d’autres. Donner une raison affaiblit la violence du réel, qui est bien plus complexe que ça. Lorsque qu’on quitte son point de vue dans la seconde partie du film, l’enjeu était de créer un personnage « décousu », incompréhensible pour son frère.

Pendant les répétitions et le tournage de la scène de meurtre, nous étions très organisés afin de ne pas mélanger la famille et le travail, et de nous épargner des séances de psy pendant dix ans. Nous avions anticipé que cela allait être dur, mais nous n’avions pas imaginé que ça le serait à ce point. Les jours qui ont suivi le tournage de cette scène, nous étions tous éprouvés. Achille et moi mais aussi l’ensemble de l’équipe. On avait touché le fond de la violence.

Arieh Worthalter est arrivé sur le projet très peu de temps avant le début du tournage. Mais il n’a pas eu peur. Il a appliqué sa propre méthode pour entrer rapidement dans la peau du personnage de Guillaume. On a parlé des flics dans les films de Melville, des silences, de la dureté. Arieh est très fin, prompt à se saisir des moments de réel. C’est un acteur qui a une capacité de transformation physique impressionnante, une plasticité du visage assez dingue ! Le destin qui avance se jouait aussi dans les métamorphoses de son visage. Le film a beau être une tragédie antique situé dans le monde moderne, il repose sur des situations très concrètes. Lui aussi est un homme seul, un flic qui réussit, sous le poids d’une culpabilité qui le met dans un état de sidération. Son personnage pose, comme celui d’Armand, la question de la férocité : on en hérite ou alors on l’apprend ? De ce point de vue, c’était bien qu’il soit flic. C’était bien de montrer un policier qui pense qu’il est fort et juste et bien dans sa virilité et son boulot, et qui est au contraire écrasé et aveugle, autant dans son travail que dans son rapport au désir d’une femme.

J’ai l’impression que mes personnages n’ont pas de moralité, mais ils possèdent une sorte d’éthique qui les dépasse, et qui est peut-être celle du film aussi. Nous sommes successivement dans la tête d’Armand, de Guillaume puis dans le chaos des deux avec l’arrivée de Xuan (qu’on prononce « Swan »).

La jeune femme qui interprète Xuan n’est pas une actrice professionnelle. Elle s’appelle Y-Lan Lucas.

Nous cherchions quelqu’un qui puisse projeter son désir. C’était ça la définition du personnage de Xuan. Elle devait être portée par la force de son désir pour Guillaume. Il fallait aussi qu’elle soit crédible en militante écologique, alors qu’on la voit très peu militer dans le film.

La directrice de casting Anaïs Duran s’est souvenue d’une jeune fille franco-vietnamienne croisée dans des fêtes à Belleville où l’on ne regardait qu’elle. Elle l’a appelée. Y-Lan était partie pour Londres et nous avons fait des premiers essais avec elle sur Zoom. Je l’ai trouvée fantastique de vitalité. Elle avait étudié le théâtre à la fac jusqu’à l’âge de 25 ans car elle voulait être actrice. Puis elle est devenue scénographe à Londres. Elle est très vivante, très intelligente, avec une grande force de proposition. Elle incarne un personnage de femme libre qui assume ce qu’elle veut. Elle vient régulièrement affirmer son désir pour son flic perdu.

OP: Les décors du film sont très signifiants.

PM: Le bowling, c’est le ventre de la baleine, l’antre de l’ogre. L’appartement du père est un lieu hanté, avec des dessins et des tableaux de chasse terrifiants, qui renvoient à un imaginaire postcolonial. Le commissariat en désordre est une idée de Yves Thomas, pour éviter de se retrouver dans un décor de série télé. Il fallait que le commissariat puisse exister en face du bowling, et qu’il raconte quelque chose de l’état d’esprit de Guillaume, qui vit et travaille dans l’inconfort et la culpabilité.

OP: Bowling Saturne n’est pas un film naturaliste. Vous optez pour une mise en scène très stylisée.

Le film est stylisé pour au moins deux raisons : par choix (chercher à affirmer le tragique, et une sorte d’expressionisme) mais aussi parce que nous tournions très vite et qu’il fallait prendre des décisions de mise en scène radicales. Je ne voulais pas d’effets de manche dans les mouvements de caméra. C’est compliqué à faire : des plans carrés, sans être prétentieux, et en même temps ne pas renoncer à un geste esthétique. C’est finalement le mouvement du film, son désir d’être beau mais pas complaisant, qui a aiguillé toutes les décisions. La rigueur entraîne parfois de l’angoisse, et on ne voulait pas lâcher la tension sourde. Avec Simon Beaufils, le chef opérateur, nous avons construit une collaboration très forte. Nous cherchions toujours à pousser le film plus loin, à rester tendu, à y croire même dans les situations baroques. L’équipe technique du film a été incroyable de force et de soutien collectif. Nous avons travaillé tous ensemble en étroite collaboration, toujours à chercher, à questionner.

Bowling Saturne n’apporte pas de solutions au mal dans le monde, il ne résout rien. Il pose des questions sur la violence, le désastre, le pouvoir, les rapports entre les hommes et les femmes. Il fallait que le film soit net, épuré, et primitif dans son traitement, afin que les questions restent ouvertes, et posées de manière franche. On peut essayer d’expliquer la mise en scène, mais elle se ressent avant tout. Dans chaque moment, mouvement, scène, j’essaie de revenir à ce que je veux dire, à l’ossature première du film en quelque sorte, tout en le rendant vivant et incarné. C’est ça qui guide mes choix formels, avant tout le reste.

OP: Pouvez-vous nous parler de la musique de Bowling Saturne ?

PM: Thibault Deboaisne m’a fait écouter un groupe wallon, Wyatt E, que j’ai trouvé très bien. Ce sont deux jeunes musiciens qui font du drone métal. Leur ambition est de faire entendre la musique documentaire de Babylone au VIème siècle avant JC. Ça me fait rire mais c’est une vraie expérience musicale. Les morceaux de Wyatt E sont une matière, un voyage qui invite à la transe. Quand on les a contactés, ils ont tout de suite été conscients qu’on ne pouvait pas composer pour un film un morceau de musique qui dure entre quinze en vingt minutes. Mathilde Muyard, la monteuse, les a aiguillés avec énormément de finesse. Elle savait mieux que moi mettre des mots sur ce que nous cherchions. 

Je pense qu’ils ont réussi à faire une musique qui entre dans les états des personnages. La musique de film était un genre nouveau pour Wyatt E, et ils l’ont abordé avec un enthousiasme sans faille. J’aime beaucoup le résultat qui ne se situe jamais « au-dessus » des personnages, notamment grâce à la délicatesse du mixage de Thomas Gauder et du montage de Mathilde.

 

Propos recueillis le 16 novembre 2021. Entretien réalisé pour le dossier de presse du film.

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Un commentaire

  1. ballantrae dit :

    Impatient de voir ce grand retour annoncé de Patricia Mazuy dont j’ai tant aimé Saint Cyr, Peaux de vaches mais aussi Travolta et moi ( à quand un coffret dvd qui permettrait de revoir de manière optimale la collection Tous les garçons et les filles de mon âge???).
    Une cinéaste importante tout comme Pascale Ferran. Ce serait injuste que la jeune génération des R Zlotwoski et C Sciamma éclipse celle là qui me semble incroyable.
    Des grands noms de femmes cinéastes françaises on en connait quelques uns avant les années 2000!

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