Conversation avec Benoît Magimel, magnifique dans Pacifiction (Tourment sur les îles) d’Albert Serra, en compétition au Festival de Cannes. Propos recueillis par Virginie Apiou.

Benoit Magimel © Bertrand Noël

Albert Serra © Bertrand Noël
Conversation avec Benoît Magimel, magnifique dans Pacifiction (Tourment sur les îles) d’Albert Serra, en compétition au Festival de Cannes. Propos recueillis par Virginie Apiou.
Benoit Magimel © Bertrand Noël
Albert Serra © Bertrand Noël
Catégories : Actualités · Coproductions · Rencontres
Directeur général d’ARTE France Cinéma et directeur de l’Unité Cinéma d’ARTE France.
Je me permets de solliciter votre avis car j’ai une interprétation que je ne suis pas parvenu à retrouver sur internet. Mais elle me semble cohérente.
Les parents ont découvert l’existence de la petite amie de leur fils après la mort de ce dernier dans un accident de plongée. Donc, ils font connaissance de cette jeune fille qui doit quitter l’Italie pour aller en France. Ils décident de la raccompagner à la frontière française. Ils la laissent sur un parking et elle monte dans un bus pour passer la frontière. Les parents regardent le bus et là il y a ce plan qui est d’une incroyable intensité. C’est une vision subjective, une vision du regard de la jeune fille qui regarde les deux parents seuls dans l’image.
Pour moi, ce regard subjectif est en fait celui de leur fils qui les regarde avec tendresse une dernière fois avant de regagner définitivement le royaume des morts. En raccompagnant cette jeune fille à la frontière italo-française, les parents accompagnent en réalité leur fils à la frontière entre le royaume des vivants et celui des morts. On comprend, pour moi, cela de façon évidente grâce à ce plan subjectif qui dure suffisamment de temps pour que Nani Moretti nous donne à travers cette seule séquence sa croyance en une vie éternelle, lui qui pourtant dit qu’ il est athée.
Ce n’est peut-être que mon analyse mais cela semble être évident à la vision de cette séquence comme si la jeune fille était la porteuse de l’âme de leur fils, et à grâce à elle, cette âme sera libérée à la frontière et permettra aux parents de retrouver une certaine paix intérieure.
C’est encore plus évident quand Moretti utilise la chanson de Brian Eno « By the river ». Sur internet, on peut lire à propos de cette chanson: « Dépouillée et cependant enveloppante, la chanson frappe de prime abord par sa mélancolie absolue, son allure de requiem. Pourtant, entre les adieux chuchotés, se fait entendre une promesse de retrouvailles, le sentiment que rien ne finit jamais, que les conversations malgré la distance reprendront comme si de rien n’était, que les vivants et les morts n’auront plus de secrets entre eux ».
Même si l’auteur de ces lignes parle uniquement de la chanson, cela colle aussi parfaitement au film. J’aimerai avoir confirmation de mon intuition concernant ce plan. Si jamais vous croisez Nanni Moretti lors d’un festival, pouvez-vous le questionner au sujet de ce regard subjectif? Est-ce bien celui de leur fils?
Bien à vous,
Damien