Olivier Père

Cannes 2021 Jour 7 : Bergman Island de Mia Hansen-Løve (compétition)

Le nouveau film de Mia Hansen-Løve, pour la première fois en compétition au Festival de Cannes, conte une histoire d’amour et de création. Sur la petite île de Fårö en Suède, où Ingmar Bergman avait élu domicile et tourna certains de ses chefs-d’oeuvre, la réalisatrice met en scène un couple de cinéastes venu chercher le calme pour écrire. Mais rien ne se passe comme prévu. À mesure que passent les jours, la fiction se mêle à la réalité, tandis que l’île de Fårö dévoile ses secrets. Dans un premier temps, le film observe avec une certaine distance ironique l’étrange cirque culturel autour du culte voué à Bergman par ses admirateurs du monde entier. Une partie de l’île est devenue un lieu de pèlerinage où l’on peut participer à un « Bergman safari » et se recueillir sur différents lieux de vie et de tournage du maître suédois. Sans le moindre sarcasme ni esprit de dévotion, Mia Hansen-Løve parvient à capter la beauté magique de Fårö et à glisser quelques notes pertinentes à propos de l’empreinte de Bergman sur son rapport au cinéma. Bergman Island séduit également par sa radioscopie d’un homme et d’une femme installés dans une relation de complicité créatrice en apparence confortable mais qui n’est pas à l’abri du doute et de l’intranquillité. C’est lorsque Chris (Vicky Krieps) entreprend de raconter à Tony (Tim Roth) le scénario sur lequel elle travaille que le film provoque un puissant vertige, entremêlant dans un même lieu hanté les personnages de la fiction et ceux de la réalité, et organisant de multiples correspondances secrètes entre Chris et son alter ego cinématographique. Jamais la mise en scène de Mia Hansen-Løve n’avait atteint un tel degré de virtuosité invisible, capable de combiner à l’appréhension radieuse et sensuelle du monde une approche mentale et fantasmatique. De toute évidence inspirée par le paysage insulaire de Fårö, Mia Hansen-Løve convoque pour un ultime tour de piste les fantômes de sa propre vie sans jamais sombrer dans la mélancolie. Le film exalte l’acte de création et donne chair et âme à une double figure féminine, comme une subtile réminiscence de Persona. Vicky Krieps et Mia Wasikowska, d’une grâce incroyable, brillent d’un éclat particulier, et portent le film vers des cimes de douceur et de beauté.

 

 

Sortie le 14 juillet, distribué par Les Films du Losange

 

Tim Roth © Bertrand Noël

Tim Roth © Bertrand Noël

anders-danielsen-lie© Bertrand Noël

Anders Danielsen Lie, acteur dans Bergman Island et Julie (en 12 chapitres) © Bertrand Noël

Catégories : Actualités · Coproductions

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *