Pour son premier long métrage, réalisé en 1998, Bruno Podalydès relève le défi de construire un film autour d’un trentenaire versaillais qui vit dans un sentiment de doute et d’indécision permanent. A partir d’un postulat qui aurait pu donner naissance à un psychodrame rébarbatif, le cinéaste parvient à signer une comédie à nulle autre pareille. Les atermoiements de son anti-héros Albert Jeanjean provoquent un enchaînement non-stop de situations cocasses. Chez Podalydès, le concept se traduit immédiatement en action. Albert, faute de savoir choisir, se retrouve pris dans un mouvement permanent, à pied, en train ou en voiture, à la recherche de la femme idéale (trois séduisantes possibilités s’offrent à lui). Dieu seul me voit est un beau film-monde sur la poursuite du bonheur et de l’amour, et la place du hasard dans la vie d’un homme. Il est contemporain, à deux ans près et sur un mode plus ouvertement comique, d’un autre grand film générationnel et sentimental produit par le même producteur, Pascal Caucheteux : Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) d’Arnaud Desplechin. Les deux réalisateurs, tous deux nés en 1961 et à l’orée de leur carrière, signent un film avec un titre à la première personne, qui possèdent plusieurs acteurs en commun (Denis Podalydès, Michel Vuillermoz, Jeanne Balibar, Mathieu Amarlic) et partagent un appétit d’un romanesque ample et dissonant, des portraits de groupe et des récits à plusieurs entrées. Ce n’est pas un hasard si ces deux films vous sont proposés simultanément sur ARTE.tv.
La mise en scène de Podalydès fourmille d’idées et file à toute vitesse. Les références aux contes de fées (Blanche-Neige et les sept nains), aux films chéris de François Truffaut ou à Tintin (le dîner dans le restaurant de spécialités syldaviennes, en hommage à l’album d’Hergé Le Sceptre d’Ottokar) sont aussi inattendues qu’irrésistibles. Les dialogues pétillent d’intelligence. Le cinéaste réunit autour de son frère Denis, absolument génial, un merveilleux assemblage d’acteurs. Cet hymne à l’hésitation existe aussi dans son extraordinaire version originale de six heures, baptisée « interminable » par son auteur, et disponible uniquement en vidéo.
Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) est disponible gratuitement sur ARTE.tv jusqu’au 31 août 2021. On peut aussi retrouver Bruno Podalydès sur le site d’ARTE dans une conversation filmée inédite, où il évoque son travail de cinéaste et nous parle de son dernier film en date, Les 2 Alfred, qui attend la réouverture des salles.
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