Les Yeux de Laura Mars (Eyes of Laura Mars, 1978) est un thriller paranormal dans lequel une célèbre photographe de mode, critiquée pour la violence sexuelle de son travail – des clichés de Helmut Newton et Rebecca Blake furent utilisés pour le film – est plongée dans une affaire de meurtres en série. Elle est victime de visions effrayantes, et assiste en direct à l’assassinat des membres de son entourage lorsque qu’elle regarde dans l’objectif de son appareil lors de séances photos. En tuant ses amis et complices, l’assassin semble condamner et punir l’artiste, dont l’œuvre exploite tout en les dénonçant le lucre, la dépravation et le sexisme du monde de la mode et de la publicité, au travers d’images sensuelles et provocantes.
Le point de départ des Yeux de Laura Mars est un scénario intitulé Eyes que l’on doit à un jeune réalisateur encore inconnu, John Carpenter. Il n’a à l’époque réalisé que Dark Star, son premier long métrage, et cherche à travailler pour un studio. La Columbia lui a acheté ce scénario, qui va être réécrit par David Zelag Goodman. Carpenter sera vite écarté du projet, dont la mise en scène est confiée à un solide professionnel, Irvin Kershner. Le producteur du film, Jon Peter, souhaite adapter l’histoire à la star Barbra Streisand, dont il est l’amant, en ajoutant des éléments romantiques. L’action est transposée à New York. Dans le script de Carpenter, l’assassin est une ombre sans visage, un psychopathe anonyme. De manière plus classique, le film obéit aux règles du « whodunit » et établit une liste de suspects parmi les personnages secondaires, jusqu’à la révélation finale de l’identité du tueur, la plus surprenante possible. Faute d’avoir lu le scénario initial de Carpenter, il est difficile de savoir si le futur réalisateur de La Nuit des masques avait l’intention de rendre hommage au « giallo » italien. Mais le résultat final, avec son intrigue tarabiscotée, son héroïne persécutée par un maniaque et l’intrusion d’ingrédients fantastiques dans une enquête policière, ressemble fortement à une version américaine des suspens angoissants de Dario Argento ou Lucio Fulci. Barbra Streisand décline finalement le rôle principal, et se contente d’interpréter la chanson du générique, « Prisoner ». Jon Peter, ancien coiffeur, semble s’être concentré sur les créations capillaires, extravagantes, que sont obligés d’exhiber sur leurs têtes Rene Auberjonois, Brad Dourif (barbe comprise), Darlanne Fluegel et même Tommy Lee Jones, étrange en beau ténébreux. Faye Dunaway, épargnée, est sublime. Les Yeux de Laura Mars est un excellent représentant, sophistiqué et sexy, de l’esthétique disco de la fin des années 70. On y entend le tube « Let’s All Chant » durant une séance photo trash et glamour.
Pour les amateurs de thrillers fantastiques de la même période, signalons que Les Yeux de Laura Mars constitue un excellent triple programme « Les périls du New York » avec La Sentinelle des maudits de Michael Winner, et Wolfen de Michael Wadleigh.
Disponible en combo Blu-ray et DVD chez Sidonis – Calysta.
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