Cette production Hammer transpose un personnage emprunté à la mythologie grecque dans la campagne allemande du début du XXème siècle, reconstituée dans des studios britanniques. Après Dracula, Frankenstein, Jekyll and Hyde, le chien des Baskerville, le loup-garou, la momie et le fantôme de l’opéra, la célèbre firme spécialisée dans le fantastique a ressuscité la plupart de monstres du patrimoine et doit puiser son inspiration ailleurs que dans la littérature anglaise et les remakes des films de la Universal des années 30. Ainsi La Gorgone (The Gorgon, 1964) marque un pas de côté, avec le recyclage d’une créature de l’Antiquité, une des trois Gorgones baptisée par erreur Mégère au lieu de Méduse dans la version originale – Mégère est en effet l’une des trois Érinyes, déesses infernales grecques. Le scénario de La Gorgone est signé par John Gilling, qui se plaindra que son traitement ait été dénaturé par les producteurs du film. Gilling se souviendra de plusieurs éléments de cette histoire lorsqu’il réalisera pour la Hammer deux ans plus tard La Femme Reptile, autre récit d’une malédiction et d’une transformation centré autour d’un monstre féminin, de loin son meilleur long métrage. Si La Gorgone n’a pas rencontré à sa sortie le succès escompté, jugé insuffisamment spectaculaire et divertissant, il figure désormais au panthéon des classiques de la Hammer. La beauté du film réside justement dans l’austérité presque janséniste de la mise en scène de Terence Fisher, qui préfigure l’épure de son dernier long métrage Frankenstein et le monstre de l’enfer. Le film de Fisher est empreint d’une profonde mélancolie, et conte l’impossible amour, timide ou inavoué, de deux hommes pour une même femme, qui dissimule une double identité. Au-delà de l’atmosphère poétique et stylisée propre aux grandes réussites de la Hammer, La Gorgone surprend par sa tristesse. Les passions sont vouées à l’échec, la seule délivrance possible est la mort.
La Gorgone est disponible en combo DVD et Blu-ray, avec un nouveau master haute définition, dans la collection British Terrors chez ESC Éditions.
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