ARTE diffuse Cris et Chuchotements (Viskningar och rop, 1972) de Ingmar Bergman lundi 3 février à 22h20, en version restaurée.
Dans un manoir en Suède, à la fin du XIXème siècle, trois sœurs Karin, Maria, Agnès et la servante Anna sont réunies au chevet d’Agnès, qui agonise dans d’atroces souffrances. Cris et Chuchotements est un film hanté par la mort, où la couleur rouge joue un rôle essentiel, à la fois plastique, narratif et symbolique. Ce travail exceptionnel sur la couleur est pensé et conçu grâce à de longues répétitions et un éclairage presque entièrement naturel, avec la complicité de son fidèle directeur de la photographie Sven Nykvist. Dans son livre Images, Ingmar Bergman écrivait à propos de l’usage de la couleur : « tous mes films peuvent être pensés en termes de noir et blanc, exception faite de Cris et Chuchotements. Dans le scénario, il est précisé que le rouge représente pour moi l’intérieur de l’âme. » Cris et Chuchotements propose aussi une expérience physique, où le rouge renvoie à l’intérieur du corps, à la douleur et au sang – la malade se meurt d’un cancer de l’utérus. La mise en scène colle aux réactions extrêmes de ses protagonistes, déjoue toute tentation d’académisme ou de composition picturale figée. Avec ses murs teintés de pourpre, ses fondus enchaînés de la même couleur, Cris et Chuchotements est un huis-clos organique dans lequel le réalisateur aborde au féminin ses thèmes de prédilection : la peur de vivre et de mourir, le puritanisme, la cruauté inhérente au mariage, à la famille et aux rapports de classe. Avec Persona, Les Communiants ou Fanny et Alexandre, Cris et Chuchotements appartient à la catégorie des titres jalons et incontournables dans la carrière du maître suédois, à la fois films sommes et réinventions de son art. Un chef-d’œuvre.
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