Olivier Père

Western de Valeska Grisebach

ARTE diffuse Western (2017) de Valeska Grisebach mercredi 25 septembre à 23h45. Le film sera également disponible gratuitement en télévision de rattrapage pendant sept jours sur ARTE.tv.

Troisième long métrage de Valeska Grisebach, Western est un très beau film qui place la réalisatrice allemande issue de la nouvelle scène berlinoise parmi les talents les plus remarquables du cinéma européen contemporain

Il faut prendre le titre à la lettre. Nulle ironie dans les intentions de Grisebach qui emprunte au genre américain par excellence bon nombre de situations et éléments dramaturgiques. Désir d’aventure, compétition virile, mythe de la frontière, code d’honneur, racisme sous-jacent cimentent cette histoire d’ouvriers allemands envoyés sur un chantier au fin fond de la campagne bulgare. Le groupe d’hommes va d’abord marquer son territoire en plantant par bravade un drapeau allemand sur le toit de leur campement, puis en commettant des actes indélicats ou provocateurs qui témoignent de leur manque de respect ou de leur indifférence pour les autochtones. Une jeune femme est importunée lors d’une baignade, un cheval est volé à son propriétaire… Si le passage des soldats allemands lors de la Seconde Guerre mondiale a laissé des bons souvenirs aux plus vieux des villageois qui continuent de louer leur politesse, ces ouvriers imposent une présence désagréable aux nouvelles générations : celle de l’impérialisme économique, du mépris d’un pays riche et puissant pour un pays pauvre et abandonné. Mais les Bulgares, comme les Indiens, n’ont pas l’intention de se laisser faire.

Western appartient à cette famille de films réalisés par des femmes qui posent un regard à la fois fasciné et analytique sur un monde masculin. Valeska Grisebach filme ses ouvriers comme des cow-boys, ou comme les légionnaires du Beau Travail de Claire Denis. Elle réinvente les codes du western et imagine un magnifique personnage d’ancien mercenaire à la silhouette émaciée, héros solitaire et taiseux qui va bientôt se désolidariser de son camp pour se découvrir des affinités avec les villageois bulgares, et établir avec certains d’entre eux un dialogue fraternel, fait de peu de mots et d’un langage corporel. Dans un contexte de déracinement et de dénuement extrême, Grisebach montre la naissance de liens nouveaux, fragiles et émouvants. Elle ne se contente pas de filmer des corps, des silences et des temps morts. Elle se montre au contraire attentive aux compétences professionnelles des ouvriers, à leur puissance dans l’action. Les paysages naturels, dans leur gigantisme sauvage comme leur sensuelle intimité exprime les désirs ou la nostalgie des protagonistes de ce film d’aventures pas comme les autres, entre tension et douceur.

Catégories : Coproductions · Sur ARTE

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