Olivier Père

Les Faucons de la nuit de Bruce Malmuth

ARTE diffuse dimanche 12 mai à 22h50 un documentaire inédit sur Sylvester Stallone, Stallone, profession héros de Antoine Coursat et Clélia Cohen. Ce documentaire revient notamment sur la création des deux héros les plus iconiques interprétés par l’acteur. L’un symbolise le rêve américain (Rocky), l’autre son cauchemar (Rambo). Entre les premiers titres de ces deux sagas (respectivement 1976 et 1982), Stallone a connu une période difficile. Sa volonté d’élargir son répertoire avec des films ambitieux se solde par un échec (F.I.S.T. de Norman Jewison) tandis que ses premiers pas derrière la caméra (La Taverne de l’enfer) passent inaperçus. Ces deux films ne sont pourtant pas dénués de qualités. Mais le public refuse à Stallone le statut d’acteur de composition prêt à endosser des rôles dramatiques sans avoir à montrer ses muscles, et les critiques ne prennent pas au sérieux sa volonté de devenir cinéaste. Le personnage de Rocky lui colle à la peau, et c’est seulement la suite du film de John G. Avildsen, qu’il réalise lui-même en 1979, qui obtient un réel succès commercial dans ces années de doute et d’hésitations. Les Faucons de la nuit (Nighthawks, 1981) marque la première incursion de Stallone dans le thriller urbain. Le film suit un duo de flics new-yorkais mutés à la section antiterroriste pour intercepter un terroriste international fraichement débarqué dans la ville, après avoir commis plusieurs attentats en Europe. L’inspecteur Deke DaSilva, interprété par Stallone, est directement inspiré par Serpico, célèbre flic joué par Al Pacino en 1973 dans le film éponyme de Sidney Lumet. Comme Serpico, DaSilva est un adepte du déguisement et n’hésite pas à se travestir dans les bas-quartiers la nuit pour arrêter en flagrant délit les délinquants sexuels. Comme Serpico, il porte la barbe et revêt la panoplie du policier anticonformiste, dont l’accoutrement et le style de vie lui permettent de passer inaperçu parmi la faune dangereuse qui peuple les rues de New York. Le souci de Stallone de construire un personnage en soignant d’abord son look semble évident. Cette démarche se reproduira avec Rambo et, de manière beaucoup moins convaincante, avec Cobra, flic frimeur et dur-à-cuire. L’influence de French Connection est prégnante dans le film, qui titre un excellent parti des décors naturels de New York. Le film s’inscrit dans cette tendance poisseuse et réaliste des polars urbains des années 70 et du début des années 80, initiée par le succès du film de William Friedkin. On y trouve également des échos de Sorcerer du même réalisateur, avec l’intrusion du terrorisme international, sujet d’une actualité brûlante à l’époque, dans un film d’action américain. Le traitement du personnage de Wulfgar, au départ inspiré par Carlos, est assez caricatural, mais il permet à Rutger Hauer de trouver son premier rôle dans une production hollywoodienne. L’acteur fétiche de Paul Verhoeven s’en sort avec les honneurs, et campe avec son charisme habituel un tueur séduisant et cruel. On en vient à regretter que Friedkin n’ait pas signé Les Faucons de la nuit lui-même, tant le film contient des échos de son apport au cinéma criminel – il n’y manque ni Joe Spinell (qui faisait aussi partie de la garde rapprochée de Stallone) dans un petit rôle, ni la musique électronique de Keith Emerson à la place de Tangerine Dream. Le directeur de la photographie des Faucons de la nuit, James A. Contner, venait de signer l’année précédente les images nocturnes du New York cauchemardesque de Cruising de Friedkin. Mais cessons de rêver. La mégalomanie de Stallone, seul maître à bord, empêche tout forme de collaboration avec un cinéaste digne de ce nom, et raison de plus un personnage aussi intransigeant et autoritaire que Friedkin. Au point que Les Faucons de la nuit va bientôt se retrouver sans metteur en scène, en raison du désir de contrôle absolu de la star. Le premier réalisateur engagé, Gary Nelson (de nombreux travaux pour la télévision et un film Disney, Le Trou noir) est renvoyé du tournage et remplacé par le débutant Bruce Malmuth, aux ordres de la production. Il en résulte une mise en scène anonyme, efficace dans les scènes d’action mais sans réelle personnalité. Le film a pâti d’une production chaotique et plusieurs séquences ont disparu du montage final, qui simplifie les enjeux et recentre le récit vers l’affrontement entre Wulfgar et la brigade anti-terroriste. Le personnage interprété par Lindsay Wagner, l’ex-femme de DaSilva a été sacrifié et avec elle la plupart des intermèdes sentimentaux censés mettre en valeur les talents de comédien de Stallone. Le résultat est un bon polar, à la fois reflet d’une époque et témoignage des errances de Stallone dans une étape intermédiaire de sa carrière, avant sa rencontre avec le vétéran du Vietnam John Rambo et ses retrouvailles grandioses avec le boxeur Rocky Balboa, qui lui permettront d’avoir à nouveau « l’œil du tigre ».

 

Les Faucons de la nuit est édité en blu-ray par L’Atelier d’images.

Catégories : Actualités

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