Olivier Père

L’Équipage de Anatole Litvak

Pathé permet de découvrir – ou redécouvrir – en version restaurée L’Équipage (1935), chef-d’œuvre d’Anatole Litvak réalisé pendant sa période française, avant son départ à Hollywood en 1936. Le film est la deuxième adaptation cinématographique du roman éponyme de Joseph Kessel, paru en 1923 et déjà porté à l’écran par Maurice Tourneur en 1928. Situé dans la tourmente de la Première Guerre mondiale, au sein d’une escadrille d’aviateurs, le film est d’abord un mélodrame qui met en scène le dilemme moral d’un jeune militaire, déchiré entre l’amour d’une femme et le respect teinté d’amitié pour un officier plus âgé, époux de sa maîtresse. Ce qui distingue L’Équipage des autres films de guerre des années 30, comme Les Croix de bois de Raymond Bernard avec lequel il partage l’acteur Charles Vanel et des plans de scènes de batailles empruntées et intégrées au montage de Litvak, c’est l’importance accordée à l’histoire d’amour, forcément tragique et contrariée. Le conflit n’est finalement qu’une toile de fond, même si Litvak accorde beaucoup de soin aux séquences de combat et de foule, et en particulier aux ballets aériens, mélange de prises de vue réelles et de trucages en studio, proches de la réussite absolue des Ailes (1927) de William A. Wellman, référence encore aujourd’hui dans ce domaine. Pour les amateurs du cinéma des années 30 Anatole Litvak est un cinéaste très sous-estimé, et encore méconnu. Sa carrière française n’a pas la réputation qu’elle mérite. Certains de ses films américains ont rapidement acquis une juste notoriété, mais ils n’égalent pas forcément la puissance et l’émotion de L’Équipage ou Mayerling. Litvak a d’ailleurs réalisé en 1937 un auto-remake hollywoodien de L’Équipage, La femme que j’aime, très inférieur au film français de l’avis général. L’Équipage force l’admiration par l’élégance et l’intelligence de sa mise en scène, avec une utilisation remarquable de la musique de Chopin. Le film est construit autour d’une série d’arrangements avec la vérité, qui lient les différents protagonistes par des pactes secrets, provoquent des tragédies ou atténuent des souffrances. Dans les suppléments de qualités proposés par le blu-ray, le critique Philippe Roger souligne l’originalité et l’audace de ce mélodrame qui propose un éloge du mensonge, plutôt que de condamner les fautes morales de ses personnages. Charnel Vanel y est toujours aussi bon, entouré des séduisants Jean-Pierre Aumont et Annabella, une des plus fascinantes actrices du cinéma français des années 30.

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