Olivier Père

Doubles Vies de Olivier Assayas

Après Sils Maria et Personal ShopperDouble Vies marque le retour d’Olivier Assayas à un film en langue française. Il interroge avec sensibilité et profondeur les mutations du monde contemporain à travers les bouleversements intimes de couples d’amis. Alain et Léonard, écrivain et éditeur, dépassés par les nouvelles pratiques du milieu de l’édition, sourds aux désirs de leurs épouses, peinent à retrouver leur place au sein de cette société dont ils ne maîtrisent plus les codes. Entre drame et comédie, Doubles Vies est un film d’acteurs où la parole, riche et foisonnante, tient une place centrale. La ressemblance avec les œuvres de Woody Allen, Sacha Guitry et Eric Rohmer n’est pas fortuite. Assayas relève le défi de mettre en scène des joutes verbales, des débats d’idées au cœur d’un landerneau parisien étouffé par sa propre vacuité. Ces conversations qui mêlent l’intime et le professionnel, le général et le particulier nous renseignent autant sur ceux qui les animent que sur nous-mêmes. Le point commun que partage Doubles Vies avec les précédents films d’Assayas, c’est la notion de commentaire moral sur l’époque dans laquelle nous vivons, et en particulier le rapport entre la culture et l’industrie. Le fait que le cinéma, la musique et la littérature soit désormais assumés par tous, y compris par ceux qui en font le commerce, comme un « produit de consommation », mais qu’on leur conteste en même temps une quelconque valeur, avec la propagation d’une illusoire gratuité, est l’un des nombreux paradoxes que pointe le film, posant un regard sceptique sur les avancées technologiques et le culte aveuglant d’un soi-disant progrès qui ne supporte pas la moindre contestation. Assayas n’a pas la prétention d’apporter des réponses, mais il démontre le cynisme général d’une société où la dématérialisation, le virtuel et le numérique, présentés et acceptés comme inéluctables, affectent nos rapports aux autres, notre propre humanité et notre perception du monde. Déguisé en vaudeville bourgeois, Doubles Vies est en réalité un essai cinématographique qui opte pour un humour mélancolique. Le travail d’essayiste d’Assayas est enrichi par le talent de son quatuor de comédiens – complété par l’intervention perturbatrice de Christa Théret – qui apporte chair et émotion à ce constat souvent cruel sur la perte de nos repères, mais qui refuse pourtant de céder au désespoir.

 

Sortie en salles le mercredi 16 janvier, distribué par Ad Vitam.

Catégories : Actualités · Coproductions

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