Olivier Père

Enfer mécanique de Elliot Silverstein

Une énorme berline noire hante les routes de l’Utah, semant la mort sur son passage. Le shérif qui tente d’enrayer l’hécatombe provoquée par la voiture folle aura bientôt la certitude de l’origine surnaturelle – et diabolique – de l’engin. Réalisé par Elliot Silverstein en 1977, Enfer mécanique (The Car) est l’un des premiers exemples de l’influence de Steven Spielberg sur le cinéma de genre américain. Le film de Silverstein évoque bien sûr Duel (produit pour la télévision en 1970), dans lequel un camion poids lourd prenait en chasse une voiture et son conducteur sur les routes du désert californien. C’est surtout avec Les Dents de la mer (1975) que le scénario d’Enfer mécanique partage de nombreux points communs, au point de passer parfois pour une habile transposition. La terrifiante voiture noire remplace le grand requin blanc, son apparition à l’écran est judicieusement retardée, au profit d’une sorte de vision subjective. Les paysages grandioses de montagnes et de plaines, terrain de chasse de la berline, remplacent l’océan Atlantique. Les premières victimes sont des randonneurs à bicyclettes et un autostoppeur, balayés comme des fétus de paille par l’impitoyable machine. Là où le film de Silverstein diffère radicalement de ceux de Spielberg, c’est qu’il assume son postulat fantastique, aussi délirant soit-il. La voiture noire est sans aucune ambiguïté d’essence (!) diabolique et possède des pouvoirs qui défient la raison. Sans conducteur, indestructible, surpuissante, elle surgit des enfers pour semer mort et désolation sur terre, en narguant ses proies et en les traquant jusque dans leur maison. Le camion de Spielberg avait à son bord un conducteur anonyme dont le cinéaste laissait apparaitre le bras, le requin des Dents de la mer était un monstre marin plausible malgré sa taille gigantesque. Dans Enfer mécanique, il ne s’agit de nimber la réalité d’une dimension fantastique mais de donner au Diable une enveloppe matérielle empruntée à la vie quotidienne. La carrosserie noire et opaque de la berline, sa forme fuselée et ses terrifiants bruits de klaxon lui confèrent une allure quand même plus inquiétante qu’une voiture ordinaire. La croyance dans le Diable et l’idée de filmer une incarnation du Mal absolu rapprochent finalement Enfer mécanique davantage du cinéma de Carpenter que de celui de Steven Spielberg. Carpenter adaptera en 1983 Christine, le roman de Stephen King, sur une Plymouth Fury 1957 aux pouvoirs surnaturels. Enfer mécanique est un film sans prétention mais d’une grande efficacité, capable de ménager de bonnes séquences d’effroi et de suspens. Le plaisir éprouvé devant le film d’Elliot Silverstein tient aussi à l’utilisation réussie des grands espaces américains. Silverstein situe plusieurs scènes d’Enfer mécanique dans les spectaculaires canyons et les parcs nationaux de l’Utah, maintes fois filmés dans des westerns. L’écran large Panavision magnifie la désolation aride de ces immenses décors naturels. On pourrait définir Enfer mécanique comme un croisement entre un western et un épisode de La Quatrième Dimension. Silverstein s’était d’ailleurs fait connaître en signant l’excellent Un homme nommé cheval, et avait auparavant travaillé pour la célèbre série de Rod Serling, lors de ses années d’apprentissage à la télévision. Les scénaristes Dennis Shryack et Michael Butler écriront la même année qu’Enfer mécanique un autre western moderne, L’Epreuve de force de Clint Eastwood. Enfer mécanique est le premier film d’épouvante à utiliser le thème musical « Dies Irae, dies illa », trois ans avant Shining de Stanley Kubrick.

Film disponible en combo DVD et Blu-ray chez Elephant, dans sa collection dédiée au cinéma fantastique américain moderne.

 

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