Olivier Père

Borsalino & Co. de Jacques Deray

Borsalino Co. (1974) est la suite directe de Borsalino bâti quatre ans plus tôt autour de la réunion à l’écran de Delon et Belmondo en gangsters de charme dans le Marseille des années 30. Le film s’amusait de la rivalité supposée des deux vedettes masculines à l’écran et surtout à la ville. L’aventure se conclura par un triomphe au box office et un procès intenté et gagné par Belmondo à cause de la double présence du nom de Delon (avec sa casquette d’acteur et de producteur) au générique. Au-delà de cette guerre des egos Belmondo avait réussi à imposer, malgré lui ou non, un ton décontracté et rigolard au premier Borsalino, bien loin du style habituel de Delon et même de Jacques Deray, dégraissé et caractérisé par son esprit de sérieux.

Borsalino &Co. peut être vu comme la revanche de Delon qui signe son propre film sans envie aucune de le partager avec quiconque, et y impose sa personnalité de la première à la dernière image. Le film se résume à une vengeance impitoyable qui va déclencher une nouvelle guerre des gangs à Marseille. Roch Siffredi (Delon) pour punir le meurtre de son ami François Capella (Belmondo) élimine un à un les membres de la bande de Volpone, truand italien fasciste qui a décidé de conquérir Marseille grâce au trafic de drogue, considérant l’héroïne et ses ravages dans les classes bourgeoises « décadentes » comme la meilleure arme pour précipiter l’avènement du 3ème Reich (nous sommes dans les années 30 à la veille du début de la guerre, période propice à une reconstitution « rétro » clinquante, à la mode dans le cinéma de cette époque). Une curieuse idée de scénario voit Siffredi assassiner le frère (et sosie) de Volpone (les deux hommes sont interprétés par Riccardo Cucciola) dans le train Paris Marseille au début du film, tandis que quelques bobines plus tard (attention spoiler) le gangster marseillais accomplira sa vengeance en enfournant Volpone dans la chaudière de la locomotive d’un autre train, en direction de l’Allemagne cette fois-ci. Un exécution atroce – et bizarre dans un tel contexte historique – qui souligne l’inhumanité de Siffredi / Delon, désigné comme une machine à tuer mue par un désir aveugle de mort et de destruction, que ses ennemis commettront l’erreur de ne pas exécuter au milieu du film quand il était tombé entre leurs mains (ce qu’il leur exhorte portant de faire.) Le plan de Volpone d’éliminer et d’humilier Siffredi en le torturant à l’alcool pour le transformer en loque humaine se soldera par un cuisant échec (le masochisme de Delon a ici ses limites, on le retrouvera beaucoup plus vulnérable dans des films comme le sublime Professeur de Zurlini ou Notre histoire de Blier), l’indestructible Siffredi organisant sa disparition et sa réapparition quelques années plus tard, plus fort, plus beau et plus déterminé que jamais.

Un Delon minéral et iconique donc, qui pousse à son paroxysme (sa caricature ?) la figure de truand solitaire et méthodique inventée par Melville dans Le Samouraï et prolongée dans Scorpio de Michael Winner. Et ça marche.

Pour les raisons qu’on vient d’évoquer plus haut, et si l’on est sensible au narcissisme de Delon, on est en droit de préférer – à l’instar de Deray – Borsalino Co. au premier opus, pour sa violence et la simplicité de sa trame, qui conviennent davantage à l’acteur et son réalisateur. Logique de la coproduction italo-allemande oblige, on retrouve avec plaisir dans Borsalino Co. Plusieurs seconds rôles italiens et allemands, gueules récurrentes des westerns, polars et autres films de guerre des deux côtés des Alpes et du Rhin, comme Adolfo Lastretti, Reinhard Kolldehoff ou Anton Diffring, sans oublier les troisièmes couteaux habituels du cinéma tricolore, Henri Attal, Philippe Castelli, Jacques Debary, André Falcon and Co.

Borsalino est diffusé sur ARTE dimanche 2 décembre à 20h50.

Borsalino & Co. est diffusé sur ARTE lundi 3 décembre à 20h55.

Catégories : Sur ARTE

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