Olivier Père

Le Crépuscule des aigles de John Guillermin

ARTE diffuse Le Crépuscule des aigles (The Blue Max, 1966) lundi 5 novembre à 23h15. Superproduction sur la Première Guerre mondiale vue du côté allemand, Le Crépuscule des aigles possède la particularité de ne décrire que des personnages négatifs ou ambigus, loin de toute forme de glorification de l’héroisme militaire. Le réalisateur anglais John Guillermin, qui allait bientôt poursuivre sa carrière à Hollywood, propose une approche originale du film de guerre. Il dresse le portrait d’un arriviste sans scrupules prêt à tout pour obtenir une médaille – « pour le mérite » surnommée « The Blue Max » en raison de sa couleur – qui récompense un as de l’aviation qui a abattu vingt avions ennemis. D’origines modestes, contrairement à la plupart des pilotes appartenant à l’aristocratie, l’ambitieux Stachel est méprisé par les officiers qui le considèrent comme un parvenu vulgaire et opportuniste. Cette assertion n’est pas contestée par le film qui montre Stachel sous un jour désagréable. Croyant profiter du prestige de l’uniforme et s’introduire par sa seule bravoure parmi l’élite de l’aviation, Stachel devient à son insu un instrument de propagande, manipulé par un général vicieux (James Mason). L’Empire allemand l’utilise pour valoriser l’armée comme ascenseur social tandis que le conflit, dans sa phase ultime, peine à mobiliser la population. George Peppard excelle dans le rôle de ce soldat qui ne respecte pas les codes de la chevalerie et n’hésite pas à tricher ou à provoquer la mort d’un rival. La beauté physique un peu lisse de Peppard se teinte d’une forme de veulerie qui faisait déjà merveille dans Diamants sur canapé de Blake Edwards. Né trop tard pour jouer les héros, Peppard aura brièvement incarné dans les années 60 une version inquiète, immorale et parfois névrotique de l’aventurier-séducteur au cinéma. Le Crépuscule des aigles abonde en scènes de combats aériens très réussies. Ces scènes témoignent d’un savoir-faire dans l’action et les effets spéciaux qui allait conduire John Guillermin à réaliser des films à grand spectacle comme La Tour infernale ou King Kong dans les années 70. C’est pourtant dans la description glaçante du cynisme des officiers et de ce mélange de rivalités personnelles et de stratégie politique que le film fascine et impressionne le plus.

 

 

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