D’abord assistant et homme à tout faire sur plusieurs films de genre italiens des années 80, notamment ceux de Joe D’Amato, Michele Soavi devient l’un des plus proches collaborateurs de Dario Argento, qu’il assiste sur les tournages de Phenomena et Opera. Après un premier film remarqué, Bloody Bird (Deliria, 1987), Michele Soavi se voit confier la mise en scène de deux longs métrages produits par son mentor : Sanctuaire et La Secte.
Sanctuaire (La chiesa, 1989) est au départ conçu comme le troisième épisode de la série des Démons (Demoni), produite par Argento et réalisée par Lamberto Bava. Ces films qui mêlent action et horreur, dans un cocktail survolté de maquillages gore et de musique rock, semblent opérer la transition entre les films d’épouvante baroques d’Argento et la nouvelle génération du cinéma fantastique anglo-saxon menée par Sam Raimi et Evil Dead. Souvent qualifiés de vulgaires et stupides, Démons 1 et 2 n’en sont pas moins de gros succès au box-office international et des spectacles aussi extravagants que divertissants, avec leur rythme frénétique et leur démesure typiquement latine. Lamberto Bava déclare forfait pour un troisième film et Argento pense à Soavi pour le remplacer. Ce dernier va réussir à détourner la commande en transformant ce qui devait être Démons 3 en Sanctuaire, une œuvre indépendante des deux premiers films. Le principe de base des films de Lamberto Bava, à savoir un lieu clos transformé en piège mortel où des manifestations démoniaques contaminent un groupe humain dans un déluge d’hémoglobine et de scènes choc, est plus ou moins maintenu. Après la salle de cinéma de Démons et le gratte-ciel de Démons 2, une cathédrale est envisagée pour servir de théâtre sanglant au troisième film. Soavi va conserver le décor du projet mais apporter de nombreuses modifications au scénario, qui n’a plus grand-chose à voir avec les films de Lamberto Bava. Il ne s’agit plus d’organiser un jeu de massacre mais de filmer l’arrivée insidieuse du Mal dans un lieu consacré, avec des morceaux de bravoure surréalistes et picturaux qui tranchent avec l’horreur bourrine de Bava junior. Sanctuaire pâtit de nombreuses incohérences sans doute consécutives à sa production chaotique, mais bénéficie du talent visuel de Soavi, de ses idées baroques et de sa connaissance du fantastique littéraire. Le prologue du film montre le massacre d’une communauté sataniste par les chevaliers teutoniques au Moyen-Age. Une cathédrale est construite sur les dépouilles des villageois, pour purifier le sanctuaire. De nos jours, un bibliothécaire (Tomas Arana) et une jeune femme (Barbara Cupisti, vue dans L’éventreur de New York, Bloody Bird et Opera) embauchée pour des travaux de restauration tentent de décrypter un mystérieux parchemin découvert dans un mur de l’église, mais libèrent malencontreusement les forces du Mal qui sommeillaient dans les entrailles de l’édifice. Sanctuaire peine à raconter une histoire, mais délivre des visions diaboliques inspirée par l’imaginaire médiéval. Soavi apparaît comme l’héritier direct du Dario Argento de Inferno dans la mesure où il propose un film qui défie la logique et cherche à mettre en images les sciences occultes et les transmutations chères aux alchimistes du Moyen-Age. Il en résulte un film inventif, inégal, parfois confus et bien plus ambitieux que les travaux sympathiques mais besogneux de Lamberto Bava. Le principal problème de Soavi fut sans doute d’arriver trop tard dans le paysage du cinéma italien pour pouvoir déployer ses talents d’illustrateurs, trahi par la crise de la production transalpine qui ne lui ouvrit qu’une fenêtre réduite. Soavi dut accommoder les restes d’une carcasse moribonde, en réutilisant certains ingrédients qui firent le succès des meilleurs films d’Argento, notamment les musiques de Keith Emerson ou des ex-membres du groupe Goblin.
Sanctuaire et La Secte sont disponibles en Combo Blu-ray et DVD, en version restaurée, édités par Le Chat qui fume.

Barbara Cupisti dans Sanctuaire de Michele Soavi
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