Jacques Tondelli habite à Paris, il est écrivain. Il n’a pas quarante ans mais il a déjà envers la vie une défiance qui l’empêche d’imaginer que le meilleur est à venir. Plus à l’ouest, du côté de Rennes, il y a Arthur Prigent. Il est étudiant, il lit et sourit beaucoup et refuse de douter que tous les espoirs lui sont permis. Jacques et Arthur vont se plaire. A travers la rencontre entre cet écrivain interprété par Pierre Deladonchamps et ce jeune homme solaire par Vincent Lacoste, Christophe Honoré évoque les sentiments contraires que les années 90 ont fait peser sur la jeunesse et les relations amoureuses, avec les ravages mortels de l’épidémie du sida.
Avec Plaire, aimer et courir vite (le titre de tournage était plus trivial, moins mélodieux, le mot aimer a remplacé le mot baiser) Christophe Honoré signe son meilleur film. Hantée par des fantômes, empreint d’une préciosité littéraire, Plaire, aimer et courir vite adopte une forme romanesque pour retracer les itinéraires croisés d’un jeune homme qui part à la rencontre de la vie avec une inépuisable gourmandise sensuelle et intellectuelle et d’un autre, à peine plus âgé, qui s’achemine inéluctablement vers la mort. Histoire d’un amour vécu à distance, sur le mode de l’absence, des rendez-vous manqués, des confidences et de brèves et intenses étreintes, Plaire, aimer et courir vite permet à Christophe Honoré de se confier comme jamais, d’oser l’autobiographie par le prisme de la fiction, mais aussi l’hommage aux disparus, aux bien-aimés célèbres et anonymes. Le cinéaste est à la fois Arthur et Jacques, doubles cinématographiques à deux âges de sa vie. Le film est magnifiquement interprété par Vincent Lacoste et Pierre Deladonchamps, en état de grâce, qui s’emparent de leurs rôles et des dialogues de Christophe Honoré avec un élan et une ferveur rares, entourés par d’excellents acteurs – mention spéciale à Denis Podalydès, génial en meilleur ami voisin, journaliste et homosexuel solitaire inspiré par Serge Daney période Libération. Le cinéaste parvient à concilier les moments d’élégie et les bouffées d’humour (du désespoir), avec une mise en scène constamment inspirée, entre prose et poésie. Honoré a toujours aimé les exercices d’admiration. Il trouve ici sa propre voie de cinéaste de l’intime, sans renoncer à saluer ceux qui continuent de nourrir son œuvre, Truffaut, Demy, Eustache, avec ce goût du texte qui l’inscrit dans la plus belle généalogie du cinéma français moderne.
Le film est actuellement en salles, distribué par Ad Vitam.
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