Olivier Père

Total Recall de Paul Verhoeven

ARTE diffuse Total Recall (1990), en version restaurée, dimanche 21 janvier à 20h55, dans le cadre d’un cycle de trois films (et un documentaire) consacré à Paul Verhoeven. Seconde incursion de Verhoeven dans la science-fiction après Robocop, Total Recall va consolider l’installation du cinéaste hollandais à Hollywood en rencontrant un immense succès commercial. Adaptation d’une nouvelle de Philip K. Dick d’abord passée entre les mains de David Cronenberg, scénarisée par l’excellent Dan O’Bannon, spécialiste de la SF et du fantastique, Total Recall est porté par la superstar tout en muscles Arnold Schwarzenegger. Mais le film n’est pas un simple véhicule pour les exploits surhumains du « chêne autrichien ». Verhoeven s’empare de cette commande pour signer un film extraordinaire. On sent sa jubilation à disposer de moyens considérables pour mettre en scène une production spectaculaire où il peut renouer avec ses thèmes de prédilection et certains motifs visuels récurrents depuis ses premiers films en Hollande. Verhoeven a toujours clamé son admiration pour Alfred Hitchcock, l’un de ses maîtres. Total Recall joue sur la confusion entre rêve et réalité, comme dans la nouvelle de Dick. Mais le film transpose aussi dans l’univers du space opera une chasse à l’homme riche en rebondissements et en coups de théâtre. L’inspiration de Verhoeven semble provenir directement de La Mort aux trousses, chef-d’œuvre du cinéma d’espionnage moderne, dont il livre une relecture triviale et ironique. Doug Quaid, le personnage interprété par Schwarzenegger est pris au piège de se deux identités successives, un agent secret cynique et un simple ouvrier entraîné dans une rébellion des colons de la planète Mars. Quaid réunit dans la même enveloppe physique Roger Thornhill, héros malgré lui du film d’Hitchcock, et le mystérieux espion Kaplan avec lequel il est confondu par erreur (et qui se révèlera un fantôme, un nom sans réelle existence). Les deux super méchants de Total Recall, le tyrannique Cohaagen et son homme de main Richter, liés par une relation sadomasochiste, renvoient également au couple ambigu formé par James Mason et Martin Landau dans La Mort aux trousses.

Total Recall bouscule les clichés machistes du cinéma d’action américain, en accordant à ses personnages féminins une dualité et une puissance égales sinon supérieures à celles des hommes. Deux ans avant Basic Instinct, Sharon Stone y interprète une femme aux deux visages, à la fois épouse aimante et tueuse impitoyable. Verhoeven tempère les excès de violence de son film par de nombreuses touches d’humour. Les mauvais traitements infligés au corps humain lors des nombreuses scènes de fusillades ou de combats à mains nues s’accompagnent de multiples transformations et déformations physiques grotesques, qui n’épargnent pas le visage de Schwarzenegger, travesti en femme obèse pour échapper à ses poursuivants ou sur le point d’éclater au contact de l’atmosphère martienne. Verhoeven parvient à mêler des références typiquement américaines à la pop culture et aux comics des années 50 à des sources d’inspiration plus européennes comme l’expressionnisme allemand et les décors du Metropolis de Fritz Lang, auquel le beau générique d’ouverture, rythmé par la musique de Jerry Goldsmith, renvoie directement.

 

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