Olivier Père

Titanic de Herbert Selpin et Werner Klingler

ARTE diffuse Titanic (1943) lundi 11 septembre à 22h20, dans le cadre de la programmation spéciale autour des cent ans de la UFA. Le film sera également disponible en télévision de rattrapage pendant trente jours sur le site d’ARTE. L’histoire de ce film est, d’une certaine façon, aussi catastrophique que son sujet, le naufrage du célèbre paquebot britannique. Titanic est un film de propagande anti anglais commandé par Josef Goebbels en pleine Seconde Guerre mondiale. La tragédie maritime est un prétexte pour dénoncer la cupidité de l’ennemi britannique. Joseph Bruce Ismay, président de la White Star Line qui possède le Titanic, y est clairement désigné comme le coupable du désastre, pour avoir ordonné au capitaine de maintenir la vitesse maximale du transatlantique la nuit, dans une zone où des icebergs avaient été repérés. Cette thèse – contestée depuis – fait peser sur la spéculation, et les intérêts boursiers de Ismay et ses partenaires financiers la responsabilité d’environ 1500 morts. Le film insiste aussi, faits avérés, sur les carences dans les procédures d’évacuation d’urgence, le mauvais équipement du navire en matière de sécurité et de signaux d’alarme. Le seul à tenter vainement d’empêcher la catastrophe est un officier du Titanic, de nationalité allemande pour les besoins du film. Dans les coulisses de cette superproduction de la UFA, une autre tragédie éclate. Lors du tournage le réalisateur Herbert Selpin se dispute en public avec le scénariste Walter Zerlett-Olfenius et, dans sa colère, insulte aussi l’armée en présence d’officiers de la marine allemande. Selpin était furieux à cause du comportement des nombreux soldats de la Wehrmacht engagés comme figurants qui étaient constamment ivres sur le plateau. Dénoncé par Zerlett-Olfenius, Selpin est arrêté le lendemain pour comportement antipatriotique, et retrouvé « suicidé » par pendaison dans sa cellule. Selpin sera aussitôt remplacé par Werner Klingler qui termine le film. Une fois Titanic en boîte, Goebbels renonça à le sortir dans les salles de cinéma car il craignait qu’il fût trop démoralisant pour le public allemand déjà éprouvé par la guerre.

Le film ne connaîtra qu’une éphémère distribution en 1949 en RFA (il sera rapidement retiré des salles à la suite des protestations des forces d’occupation britanniques, mais remportera un certain succès en RDA dans les années 50. Titanic est donc un film maudit, production au budget énorme dont la carrière commerciale sera réduite à néant par celui-là même qui l’avait mis en chantier, victime des ambitions et des stratégies contradictoires de Goebbels, et aussi du cours de l’Histoire. Ce Titanic de la UFA sera longtemps très difficile à voir, oublié à la faveur des autres versions cinématographiques du naufrage du transatlantique : Titanic de Jean Negulesco (1953), Atlantique, latitude 41° (A Night to Remember, 1958) de Roy Ward Baker, et bien sûr Titanic (1997) de James Cameron. L’Anglais Roy Ward Baker ira jusqu’à emprunter à la UFA des images de panique pour son (excellent) film et on peut s’amuser à dénombrer les scènes communes entre la version de Selpin et celle de Cameron.

Titanic

Titanic

Titanic

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