ARTE diffuse Gerontophilia mercredi 5 juillet à 23h45 dans le cadre d’une programmation spéciale LGBT. Le film de Bruce LaBruce sera également disponible en télévision de rattrapage pendant sept jours sur ARTE+7.
Bruce LaBruce, l’enfant terrible du cinéma gay et canadien, agent provocateur qui marqua les esprits avec le légendaire Hustler White et plus récemment L.A. Zombie, revient avec Gerontophilia un film au titre trompeur. Non ce n’est pas un gonzo dans la même collection poético chirurgicale que l’ultra radical L.A. Zombie, ovni qui vantait les mérites du viol nécrophile et du cannibalisme en milieu urbain. Certes il est question de gérontophilie au sens strict dans ce nouveau long métrage : un jeune garçon beau comme un ange découvre presque par hasard son attirance pour les vieux messieurs. Surveillant dans une piscine il sauve de la noyade un vieillard et le réanime en lui faisant du bouche à bouche, ce qui lui procure une formidable et embarrassante érection qu’il doit cacher aux témoins de la scène. Eros et Thanatos version bains douches et clin d’œil à François Sagat zombie extraterrestre résurrecteur de cadavres. Scène cocasse typique de l’humour égrillard de BLaB, bientôt abandonné au profit d’une approche sensible et tendre des émois de Jake son héros joli garçon, hétéro à la fiancée compréhensive et aux idéaux révolutionnaires et qui va assumer son homosexualité en même temps que son aphamégamie (trouble du comportement sexuel qui implique une attirance pour un homme plus âgé.) Mais le fétichisme pervers cède rapidement la place à l’amour pur et simple. Loin de l’esthétique trash et du porn art de ses précédents films, Bruce LaBruce adopte le style et le ton de la comédie romantique, sans rien éluder de son sujet ni renoncer à la dimension politique et subversive de son cinéma. Gerontophilia parle avec intelligence de la dictature de la beauté et de la jeunesse qui contamine les images de la société de consommation et conditionne nos esprits et nos désirs. L’attirance pour les corps usés et malades des personnes âgées devient ainsi un acte de résistance et d’insurrection, un geste libre de toute emprise sociale et familiale. Jake devenu aide infirmer fait la rencontre d’un octogénaire qui refuse les soins. Une amitié puis une histoire d’amour va naître entre le garçon et le vieil homme indigne, homosexuel solitaire et malade, autrefois d’une beauté flamboyante et qui s’était résigné à attendre la mort mais qui va reprendre goût à la vie au contact de son nouvel et dernier amant. Les deux hommes vont fuguer de l’hôpital et entreprendre un ultime et émouvant voyage. « Provocation de la non provocation » semble être le nouveau credo de LaBruce, qui gagne à renouveler son univers de guérilla filmique et confirme qu’il est un bon cinéaste, cinéphile sans être référentiel, engagé sans être donneur de leçon. Gerontophilia sonne juste, bien écrit et bien interprété (charme et naturel des acteurs principaux, dialogues qui font souvent mouche), émouvant et léger sur un sujet qui aurait pu être scabreux. Ce sont la tendresse et l’espoir qui l’emportent. Même quand il réalise un film que vous pourriez aller voir un après-midi avec votre grand-mère, Bruce LaBruce ne perd rien de son mordant et ne sombre jamais dans la mièvrerie. L’étroitesse du budget et la rapidité d’exécution n’empêchent pas l’élégance discrète de la mise en scène. C’est paradoxalement avec son film le plus accessible et ouvert au grand public que LaBruce consolide son statut de franc-tireur, véritable modèle économique, esthétique et politique pour tout ceux qui veulent faire des films libres, irrévérencieux et pertinents, gays ou pas.
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