Olivier Père

Robot Monster de Phil Tucker

Disponible gratuitement sur la plateforme ARTE Cinéma dans le cadre de « l’art du nanar » qui accompagne à partir du 9 janvier la websérie documentaire de Régis Brochier « Nanaroscope ! », Robot Monster a le douteux privilège de figurer en bonne place dans les listes des plus mauvais films de l’histoire du cinéma, aux côtés du fameux Plan 9 from Outer Space de Ed Wood. Les deux films appartiennent à la catégorie des films de science-fiction ultra fauchés et débiles produits aux Etats-Unis dans les années 50, à une époque où le genre n’était pas vraiment pris au sérieux et se trouvait cantonné dans les marges du cinéma, entre les mains de tacherons besogneux ou d’auteurs farfelus. Robot Monster réalisé en 1953 précède de cinq ans le film d’Ed Wood. Il est entré dans la (petite) légende de la série Z en raison de l’apparence absurde de l’unique extraterrestre apparaissant à l’écran, un dénommé Ro-Man : un homme dans un déguisement de gorille, affublé d’un casque de scaphandrier comme seul élément futuriste, avec une gestuelle de catcheur neurasthénique et des dialogues grandiloquents. Le réalisateur et le costumier ont fait avec ce qu’ils avaient sous la main, cela participe à une esthétique de la récupération et du système D qui caractérise ce film et quelques autres, édifices naïfs et bricolés, involontairement proches de l’art brut. Ro-Man n’est pas le seul élément excentrique qui a valu au film sa réputation d’objet filmique étrange : des stock-shots d’animaux préhistoriques – en fait, des lézards déguisés – et de dinosaures en pâte à modelés empruntés à d’autres films et qui n’ont aucun rapport avec l’histoire, un ordinateur qui émet des bulles de savon, une utilisation rachitique de la 3D, une histoire à dormir debout. Les incohérences du récit et le caractère absurde et minimaliste de cette invasion extraterrestre ayant provoqué l’anéantissement de l’humanité s’expliquent par la nature onirique du film, un simple rêve d’enfant. L’imagination fiévreuse d’un enfant est donc l’alibi magique qui permet aux auteurs de légitimer la bizarrerie bancale de leur création, pourtant imputable aux carences du budget, à la maladresse et à l’amateurisme qui régna dans tous les secteurs de la fabrication du film.

Ro-Man dans Robot Monster de Phil Tucker

Ro-Man dans Robot Monster de Phil Tucker

 

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