ARTE diffuse La Cage aux folles (1978) de Edouard Molinaro lundi 31 octobre à 20h50. On avoue une réelle tendresse pour ce film adapté d’une triomphale pièce de boulevard et qui fut aussi un grand succès commercial en France et à l’étranger. La pièce de Jean Poiret fut accommodée à la sauce d’une coproduction franco-italienne tournée dans les décors de Cinecittà, avec une distribution mixte et Francis Veber au scénario, sans oublier les ritournelles de Morricone qui se croit chez Festa Campanile et la photographie couleur de Nannuzzi qui se croit chez Bolognini. Poiret participa à l’adaptation et aux dialogues, mais fut malheureusement remplacé dans le rôle de Renato par Ugo Tognazzi. Tognazzi fut un acteur souvent génial – dans les fables grinçantes de Ferreri ou les comédies noires de Risi – mais il ne parvint pas ici à faire oublier Poiret, créateur de la pièce mais aussi du rôle sur les planches. Poiret fut aussi un excellent acteur régulièrement sous-employé au cinéma – sauf chez Mocky et Chabrol – et il eut été formidable qu’il tire profit de son plus grand succès au théâtre pour donner une impulsion décisive à sa carrière cinématographique. Quant à Michel Serrault, il trouve en Zaza Napoli l’une de ses plus incroyables interprétations, oscillant en permanence entre bouffonnerie et pathétique. Il fallait un grand acteur comique un peu cinglé pour assumer le grotesque et s’emparer de la sorte d’un personnage homosexuel caricatural pour le rendre humain, horripilant et émouvant.
Une représentation aussi outrée de l’homosexualité par une bande bien virile d’auteurs et interprètes pas vraiment « gay friendly » pourrait poser problème. On découvre au contraire un film qui montre un vieux couple d’homosexuels amoureux et installés dans la routine conjugale, quelques décennies avant le mariage pour tous. Molinaro n’est pas Fassbinder et n’a pas l’intention de faire œuvre militante. Les clichés et l’écriture boulevardière ne transforment pas pour autant La Cage aux folles en film dégradant et homophobe. Tous les personnages hétérosexuels sont détestables, stupides ou antipathiques, à commencer par le propre fils de Renato, tête à claques qui demande à ses « parents » de renier et camoufler leur mode de vie pour ne pas effrayer sa future belle-famille, des catholiques traditionnalistes. Michel Galabru s’en donne à cœur joie en secrétaire général de l’Union pour l’ordre moral, bourgeois réactionnaire à cheval sur les principes et totalement ridicule. Sa rencontre avec Renato et Zaza, « travestis » en hétérosexuels, constitue l’un des sommets de drôlerie du film.
La Cage aux folles offre le spectacle un brin décadent de ces arrangements commerciaux entre la France et l’Italie, le cinéma et le théâtre, le conformisme et la transgression, sans pour autant que cela nuise au résultat final.
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