Pause récréative dans la filmographie de Fleischer, Monsieur Majestyk (Mr. Majestyk, 1974) est un régal pour les amateurs de polars et les fans de Charles Bronson, dont nous sommes. Fleischer avait déjà signé un formidable thriller rural en 1955 avec Les Inconnus dans la ville (Violent Saturday). Il récidive près de vingt ans plus tard sans avoir rien perdu de son sens de l’action et du tempo, mais aussi de la caractérisation des personnages, jusqu’au moindre second rôle. Le scénario original de Monsieur Majestyk est signé Elmore Leonard, figure majeure de la littérature populaire américaine, qui écrivit de nombreux romans noir et westerns, et collabora à plusieurs films remarquables, dont celui-ci où l’on retrouve son style.
Monsieur Majestyk est l’un des meilleurs titres de la carrière de Chuck Bronson, qui compte beaucoup plus de bons films qu’on le pense, tous tournés avant la débandade des productions Cannon de sa fin de carrière.
Vince Majestyk (Bronson) emploie des immigrants mexicains pour ramasser les pastèques de sa récolte. Mais un représentant du milieu veut le forcer à utiliser ses propres hommes. C’est l’histoire classique du petit entrepreneur indépendant en butte au système, sauf qu’ici le héros solitaire est un vétéran du Vietnam décidé à ne pas se laisser impressionner, et le système est la mafia. Un Bronson de gauche ? Fleischer l’a fait, comme Sergio Sollima (Cité de la violence) avant lui. Mais Bronson reste fidèle à son personnage de dur à cuire qui n’hésite pas à prendre les armes pour faire sa propre justice, lorsque la police démontre son inefficacité. La dernière partie, au cours de laquelle Majestyk entraîne malgré eux les truands lancés à ses trousses sur son terrain de chasse, passant du statut de proie à celui de prédateur, est typique des films de Bronson, acteur aux muscles d’acier qui aime aussi déployer son agilité de lynx et ses ruses de sioux, utiliser le temps et l’espace autant que la force pour annihiler ses adversaires. Il s’en donne à cœur joie dans son unique collaboration avec Fleischer et Leonard, trois hommes faits pour s’entendre.
Monsieur Majestyk est un polar décontracté au rythme « cool » mais parsemé de formidables scènes d’action – l’attaque d’un fourgon de prisonniers en plein centre ville, le règlement de compte final… Le film de Fleischer bénéficie en outre de la présence, en tueur à gages hargneux, de Al Lettieri, que l’on retrouve en méchant dans plusieurs films américains de l’époque (Le Parrain, Guet-apens) L’excellent et massif « character actor » Lettieri interprète une fois de plus un criminel extrêmement brutal proche de la bête sauvage, obsédé par sa haine envers Majestyk et prêt à tout pour se venger.
Il y a déjà (presque) tout Tarantino (et un peu moins) dans Monsieur Majestyk, un modèle de « pulp fiction » bien avant que cela devienne la mode. Il est vrai que les westerns et certains polars italiens (parfois interprétés par Bronson) avaient montré la voie.
Richard Fleischer, Elmore Leonard, Charles Bronson, Al Lettieri – plus une chouette musique de Charles Bernstein : ces noms réunis au générique du même film ne pouvaient que nous garantir un très bon polar « hard boiled », avec ce qu’il faut d’humour et de violence.
Monsieur Majestyk vient d’être édité par Wild Side dans sa collection dédiée au cinéma américain, avec un combo blu-ray et DVD proposant aussi un livre exclusif sur le film et sa genèse, illustré de photos d’archive rares (60 pages). Une édition française à la hauteur du film de Fleischer.
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