Olivier Père

RoboCop de Paul Verhoeven

Premier film hollywoodien, et premier film de science-fiction de Paul Verhoeven. Débuts fracassants de la carrière américaine du cinéaste hollandais, qui signe un chef-d’œuvre. Le matériau de RoboCop semblait pourtant à première vue très éloigné des préoccupations de Verhoeven, cinéaste du sacré et du profane, passionné par l’Histoire et peintre des mœurs de ses contemporains. Verhoeven s’empare de cette relecture version bande dessinée du mythe prométhéen – un policier ramené à la vie sous la forme d’un surhomme d’acier et programmé pour lutter contre le crime – pour en faire une allégorie christique. Le calvaire de Murphy, supplicié puis ressuscité, emprunte plusieurs stations de la passion du Christ. Mais Verhoeven puise également dans d’autres sources iconiques du vieux continent. Le RoboCop – conçu par le génie des effets spéciaux Rob Bottin – évoque aussi bien le robot Maria de Métropolis que le Golem de la mythologie juive. Des références à l’expressionnisme sont également présentes dans la manière dont Verhoeven filme une ville de Detroit futuriste, terrifiante de froideur et de dureté avec ses architectures de verre et de béton. Ce tableau effrayant d’une société américaine en crise, minée par la violence et la corruption se révèle une satire des Etats-Unis des années 80. Dans RoboCop une multinationale spécialisée dans la robotique et l’armement, qui s’est payée la police de Boston et la rénovation de la vieille ville symbolise la toute puissance néfaste de l’argent et de la libre entreprise, à peine exagérée par le sens du grotesque et de l’excès de Verhoeven. Il dynamite un simple film d’action hollywoodien en lui insufflant une énergie, une cruauté mais aussi une intelligence remarquables. Le film abonde en détails triviaux, en sécrétions et mutilations diverses. Le dégoût ne dégoute pas Verhoeven, la violence non plus. Il dresse un inventaire sadique de toutes sortes d’offenses à l’intégrité du corps humain, comme dans son film précédent, La Chair et le sang, qui se déroulait au XVIème siècle. La barbarie des temps futurs avec ses gangs de tueurs psychopathes et ses hommes d’affaires sans scrupules rejoint celle des guerres médiévales. L’imaginaire de la science-fiction permet néanmoins à Verhoeven de se dégager d’un certain réalisme et d’accentuer l’ironie du film, y compris dans les scènes violentes. La dimension tragique du personnage de Murphy (Peter Weller) n’est pas sacrifiée au profit de l’action et de l’humour. Les images de son exécution qui ressurgissent dans ses cauchemars, son retour dans son ancienne maison vide, désertée par sa famille qui le croit mort sont des moments intenses et poignants. La coéquipière de Murphy, une policière courageuse interprétée par Nancy Allen, permet à Verhoeven d’introduire dans le récit une femme forte, figure récurrente de son œuvre. Au-delà de la place charnière qu’il occupe dans la filmographie de Verhoeven, RoboCop est un extraordinaire film d’action, mené sans aucun temps mort, avec un sens de la dramaturgie exceptionnel. Le cinéaste s’est adapté au cinéma américain des années 80, encore capable d’accorder un peu de liberté à des esprits frondeurs derrière la caméra, sans rien perdre de sa personnalité provocatrice et mordante, ni de sa lucidité.

 

Film revu au cinéma Les Fauvettes, 58 avenue des Gobelins, 75013 Paris, où se poursuit une rétrospective Paul Verhoeven, avec cette semaine Black Book, Showgirls, Elle et Starship Troopers.

Nancy Allen et Peter Weller dans RoboCop de Paul Verhoeven

Nancy Allen et Peter Weller dans RoboCop de Paul Verhoeven

 

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