Capricci a ressorti mercredi 29 juin en salles L’Emprise des ténèbres (1988) de Wes Craven sous son titre original américain : The Serpent and the Rainbow.
Cette réédition bienvenue coïncide avec une rétrospective intégrale des films de Wes Craven à la Cinémathèque française, du 29 juin au 31 juillet.
L’Emprise des ténèbres propose une approche anthropologique de la figure du zombie et confronte en Haïti les superstitions vaudous avec la menace physique des tontons macoutes. L’Emprise des ténèbres est sans doute le meilleur film de Wes Craven, avec Le Sous-sol de la peur produit trois ans plus tard. Le temps de ces deux films inventifs et terrifiants Craven renoue avec la veine contestataire et politique de ses débuts. L’Emprise des ténèbres tranche avec le cinéma fantastique américain des années 80, qui visait le public adolescent et s’orientait franchement vers la parodie et la pop culture. Le succès commercial des Griffes de la nuit de Wes Craven et surtout ses suites transformant en bouffon comique le croquemitaine Freddy Krueger avaient participé à cette mode. Il y a de nombreuses séquences oniriques et des hallucinations terrifiantes dans L’Emprise des ténèbres, qui renvoient forcément aux cauchemars surréalistes et mortels des Griffes de la nuit, mais elles se situent dans un contexte totalement différent. L’Emprise des ténèbres se distingue par son traitement adulte d’un sujet géopolitique, qui nous emmène en Haïti, à la veille de la chute du président Jean-Claude Duvalier, dans un pays en proie au chaos et à la guerre civile. Craven a souvent déclaré que ses films d’horreur étaient d’essence réaliste et sociologique. Le style parfois documentaire du film provient des conditions de son tournage périlleux, d’abord en Haïti après le départ de Duvalier, quand le pays était aux mains de l’armée, puis à Saint-Domingue pour des raisons de sécurité. Dans L’Emprise des ténèbres, c’est l’industrie pharmaceutique américaine qui missionne un anthropologue interprété par Bill Pullman (photo en tête de texte) pour ramener une drogue vaudou qui peut transformer les gens en zombies, afin de l’exploiter commercialement comme un puissant anesthésique. L’avidité et le cynisme des grands groupes capitalistes rencontrent la violence de la dictature et l’extrême pauvreté des Antilles, sur le même continent nord-américain. La plupart des péripéties du scénario s’inspirent de faits réels, ou reportés comme tels. Il en va de même pour les personnages que le chercheur américain croise sur son chemin à Port-au-Prince. Dargent Peytaud (Zakes Mokae), le grand méchant du film, est particulièrement réussi, sorcier vaudou à la tête des tontons macoutes, associant torture et magie noire pour se débarrasser des opposants du régime de Duvalier.
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