Olivier Père

La Poupée diabolique de Lindsay Shonteff

La société de production Hammer Films a porté haut pendant les années 50 et 60 le flambeau du cinéma fantastique anglais mais d’autres perles du genre virent le jour hors de la célèbre firme. En témoigne Devil Doll (1964), cette « poupée diabolique » inédite en salles en France que Artus nous permet enfin de découvrir en DVD dans sa collection « british horror ». La Poupée diabolique est un excellent film fantastique notable pour son scénario, son climat inquiétant et sa sensualité – il existe deux versions plus ou moins dénudées pour le marché européen ou américain. La Poupée diabolique s’inspire d’un des sketches de Au cœur de la nuit, long métrage collectif et incursion réussie des studio Ealing dans le fantastique, sur la relation entre un ventriloque et sa marionnette – prénommée Hugo dans les deux films, ce n’est sans doute pas un hasard. Mais les deux films développent des postulats diamétralement opposés. Le sketch de Alberto Cavalcanti montrait un artiste de cabaret persuadé que sa marionnette était vivante, développant une psychose à son sujet. La Poupée diabolique met en scène au contraire un ventriloque hypnotiseur doué de pouvoirs maléfiques, capable de tenir prisonnière dans un pantin l’âme de ses victimes humaines. Malgré son apparence inquiétante la poupée est donc moins diabolique que son propriétaire, dont les noirs desseins sont motivés par le lucre et stupre. La relation maître esclave sur laquelle sont construits plusieurs grands films anglais irrigue les ressorts dramatiques de La Poupée diabolique. Situé dans le Londres des années 60, le film fait un détour par le Berlin de l’immédiate après-guerre dans un flash-back révélateur, ce qui valide la piste d’un expressionnisme dégradé – le ventriloque Vorelli est un héritier au rabais de Caligari et Mabuse. La Poupée diabolique est le second long métrage de Lindsay Shonteff qui poursuivra une carrière sans éclat dans le cinéma d’exploitation et la série Z. Le nom du producteur Richard Gordon est associé à plusieurs petits classiques du bis britannique comme Monstres invisibles, La Griffe de Frankenstein ou La Tour du diable. On retrouve dans La Poupée diabolique une certaine trivialité – pour ne pas dire laideur – inhérente au cinéma d’horreur anglais et même des éclats scabreux telle cette scène de séduction qui dégénère en relation sexuelle contrainte  – le héros du film, un journaliste américain rugueux, prend de force la jeune première dans une voiture : pas très classe. Le film surprendrait presque par son érotisme, sa misogynie et sa cruauté si ces éléments n’étaient pas caractéristiques des productions Richard Gordon, qui fera bien pire lors de la décennie suivante avec le relâchement de la censure. La Poupée diabolique n’en demeure pas moins une bande originale, correctement mise en scène et interprétée, avec un scénario riche en surprises.

 

 

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