Olivier Père

Punisher de Mark Goldblatt

L’éditeur indépendant The Ecstasy of Films a eu la bonne idée de sortir du placard un film d’action américain passé relativement inaperçu lors de sa sortie mais qui a depuis gagné du galon et apparait aujourd’hui comme un modèle de série B de la fin des années 80 : The Punisher (Punisher, 1989) de Mark Goldblatt. Le film est produit par New World Pictures, compagnie créée par Roger Corman qui allait bientôt fermer boutique après avoir produit et distribué des centaines de films d’exploitation depuis 1970. The Punisher sera le dernier titre majeur de la New World, mais il paiera les frais de la mauvaise santé financière de la société : entièrement tourné en Australie par souci d’économie, il ne sera finalement jamais distribué en salles aux Etats-Unis. Dernier représentant du film d’action « hard boiled » avec justicier à gros bras tel qu’on en produisait à la chaîne dans les années 80, Punisher était par d’autres aspects un peu trop en avance sur son temps. Punisher est en effet la première adaptation cinématographique d’une bande dessinée de la société Marvel Comics, bien avant que la mode des super héros ne vienne envahir le box-office américain.

Le « Punisseur » n’est pas à proprement parler un super-héros muni de pouvoirs extraordinaires. Son incarnation cinématographique le débarrasse de son costume de justicier de BD pour en faire un ange déchu, flic d’élite devenu un « vigilante » fantomatique vivant dans les égouts et nettoyant la ville de sa mafia, véritable machine à tuer depuis que sa femme et ses enfants ont péri dans un attentat commandité par les barons de la drogue. C’est Dolph Lundgren teint en brun qui interprète le Punisher, à une époque où le géant suédois révélé par Rocky IV espérerait encore conquérir Hollywood. De la Cannon à la New World, sa carrière ne dépassera jamais les films d’exploitation tournés pour le cinéma puis la vidéo, à la différence d’un Schwarzenegger. Il est plutôt bon dans Punisher, pourtant les qualités modestes mais réelles du film sont ailleurs : dans le talent de Mark Goldblatt pour filmer des scènes d’action et de violence aussi efficaces que décomplexées. Rien de très étonnant dans la mesure où Goldblatt est le monteur vedette des meilleurs films d’action des années 80, qui lui doivent beaucoup. Après avoir débuté sur les films d’horreur de Joe Dante (déjà chez New World) Mark Goldblatt a monté Terminator, Rambo 2, Commando, Terminator 2, Robocop, Showgirls ou Starship Troopers. Il est toujours très demandé à Hollywood. Son style, à l’instar de celui de Jan de Bont à la photographie, a largement contribué à l’esthétique musclée des meilleurs véhicules pour Stallone et Schwarzenegger, mais aussi de futurs classiques de la science-fiction et du thriller. C’est la raison pour laquelle Goldblatt, après avoir également travaillé comme réalisateur de seconde équipe sur Robocop, parvient à faire des merveilles sur Punisher, malgré un budget modeste. L’échec commercial du film mettra pourtant un terme à sa carrière de cinéaste, débuté un an plus tôt avec la sympathique comédie d’horreur Flic ou zombie. Les scènes de fusillades, les cascades et les combats à mains nus de Punisher se montrent à la hauteur de celles des productions précédemment citées. La direction artistique n’est pas en reste, sans aucun faste mais fidèle à l’esprit de la bande dessinée avec des décors aux lignes claires, comme le repaire des yakuzas dans le carnage final. Punisher organise en effet une bataille rangée entre mafia italienne et crime organisé japonais, avec l’entrée en scène de la redoutable Lady Tanaka secondée par sa fille adoptive muette, experte en arts martiaux. Ces deux méchantes impitoyables et sexy participent au plaisir qu’on peut prendre au visionnage du Punisher, présenté pour la première fois depuis sa sortie française dans des conditions optimales – cette édition limitée en blu-ray est très bien conçue avec la collaboration de Mark Goldblatt et de nombreux suppléments.

Punisher de Mark Goldblatt

Punisher de Mark Goldblatt

Il faut ajouter que les méchants Japonais étaient de retour à Hollywood en 1989, avec plusieurs films (médiocres) à la limite du racisme anti nippon : Black Rain de Ridley Scott avec Michael Douglas et Kinjite, sujets tabous de Jack Lee Thompson avec Charles Bronson, pour ne citer que les plus célèbres et offensants, en attendant Robocop 3 et Soleil levant quelques années plus tard. Cette vague xénophobe et revancharde doit être rapprochée du rachat de Columbia Pictures par Sony Pictures Entertainment, filiale du géant japonais de l’électronique en 1989. Bien que Punisher s’inscrive dans cette mouvance agressive, le cynisme et la brutalité du film de Goldblatt ne s’appliquent pas uniquement aux Japonais mais concernent toute une galerie de personnages grotesques et monstrueux. Le scénario a même le culot de mêler des enfants (rejetons des parrains de la mafia italo-américaine kidnappés par les yakusas) à des scènes d’ultra-violence. Voilà un film d’action nerveux et teigneux qui n’était pas encore passé au mixer du politiquement correct, à l’instar des géniales satires de Paul Verhoeven réalisées à la même époque.

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