Olivier Père

Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou de Fritz Lang

ARTE diffuse lundi 1er juin Le Tigre du Bengale (Der Tiger von Eschnapur, 1958, photo en tête de texte) à 20h50, suivi du Tombeau hindou (Das indische Grabmal, 1958) à 22h30. Ces deux films d’amour et d’aventures constituent sans exagération des chefs-d’œuvre absolus de l’art cinématographique classique, réalisés par un cinéaste génial, Fritz Lang.

La perfection désabusée des trois derniers films allemands du maître de retour à Berlin après une parenthèse hollywoodienne de vingt ans (Le Tigre du Bengale, Le Tombeau hindou, Le Diabolique Docteur Mabuse – bientôt sur ARTE, sublimes œuvres de vieillesse) témoigne de la maîtrise absolue de Lang qui transcende un matériau feuilletonesque avec une supériorité impressionnante.

A la fin des années 50, Fritz Lang déçu de la tournure prise par sa carrière hollywoodienne revient en RFA et signe pour le producteur Artur Brauner (plus habitués aux séries B qu’aux films de grands cinéastes) un splendide diptyque indien, Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou.

Il s’agit d’un triple retour aux sources : de l’Allemagne, du serial (il s’agit au départ d’un roman et d’un scénario de Thea von Harbou qui avait déjà été adapté au cinéma en 1921 par Joe May et en 1938 – sans génie – par Richard Eichberg) et du Destin (le grand sujet du film). La rigueur architecturale et la somptuosité plastique de la mise en scène font de ces sublimes films d’aventures poétiques et philosophiques le sommet testamentaire de l’œuvre de Lang, qui séduisit le grand public mais dérouta la majorité des critiques au moment de leurs sorties, à l’instar de Gertrud de Carl Th. Dreyer ou Frontière chinoise de John Ford. Les deux films de Lang furent néanmoins admirés, à juste titre, par certains cinéphiles qui en louèrent immédiatement « l’inactualité géniale » (Jacques Lourcelles).

Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou racontent les aventures en Inde d’un robuste architecte allemand, Harold Berger, chargé par Chandra, maharadjah d’Eschnapur, épris de civilisation européenne, de construire une ville nouvelle avec des écoles et des hôpitaux modernes.

Harold tombe amoureux de la danseuse Sîtha, une belle jeune femme déchirée par ses origines métis, qu’il a sauvée des griffes d’un tigre.

L’amitié entre Harold et Chandra ne survivra pas à leur attirance pour la même femme. Sîtha est séquestrée dans le Palais d’été de Chandra , tandis que le propre frère du maharadjah, un prêtre et divers ennemis échafaudent un complot pour le renverser.

Lang utilise ces multiples péripéties, des décors et costumes fastueux pour aboutir à une épure paradoxale de son cinéma, retrouvant les thématiques et le gigantisme de ses films muets (Métropolis, Les Nibelungen, Les Trois Lumières) loin des préoccupations sociales et politiques de ses films américains.

Ici il n’est question que des conflits entre les hommes et les dieux (Lang en fera l’écho dans Le Mépris de Godard), de la violence et des passions humaines, du bonheur que l’on trouve enfin dans le renoncement. Au sein d’une distribution essentiellement allemande l’Américaine Debra Paget interprète une inoubliable Sîtha. La danse qu’elle exécute dans Le Tombeau hindou, vêtue d’une parure argentée minimaliste, demeure l’un des moments les plus érotiques de l’histoire du cinéma.

Le Tigre du Bengale et Le Tombeau Hindou seront aussi disponibles en Replay, sur ARTE+7.

 

 

 

 

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