Olivier Père

Pacific Express de Cecil B. DeMille

ARTE diffuse lundi 4 mai à 20h50 Pacific Express (Union Pacific, 1939) de Cecil B. DeMille, l’un des plus grands westerns de l’histoire de cinéma. C’est aussi l’un des titres fondateurs du genre à la fin des années 30, avec La Chevauchée fantastique de John Ford et Les Conquérants de Michael Curtiz, lorsque le western n’est plus cantonné dans la série B et accède aux gros budgets des productions de prestige. C’est le cas de Pacific Express qui bénéficie de moyens importants, adaptés aux dimensions de cette fresque épique sur la construction des chemins de fer qui relièrent l’est et l’ouest, participant ainsi à l’édification et à l’unité de toute une nation. Pacific Express fait en outre partie dans l’œuvre de DeMille d’une série de films historiques, Une aventure de Buffalo Bill (The Plainsman, 1936), Les Tuniques écarlates (North West Mountain Police, 1940) et Les Conquérants d’un nouveau monde (Unconquered, 1947), admirables et de grande envergure, consacrés à l’histoire de l’Amérique et à ses figures héroïques, légendaires ou anonymes, fictives ou réelles.

Barbara Stanwick et Joel McCrea dans Pacific Express

Barbara Stanwick et Joel McCrea dans Pacific Express

Nous sommes peu avant 1870, pendant la Guerre de Sécession. L’un des derniers décrets signés par Lincoln autorisait la compagnie ferroviaire Union Pacific Railroad à s’étendre jusqu’à la Californie. L’affairiste et politicien véreux Asa Barrows, qui possède une compagnie rivale, va employer tous les moyens pour faire échouer cette entreprise. Il engage Campeau un aventurier sans scrupules pour retarder la Union Pacific en semant le trouble parmi les ouvriers, allant jusqu’au meurtre, au vol et au sabotage. Un agent du gouvernement, Jeff Butler, est chargé d’assurer l’ordre et la protection du convoi afin de permettre à la Union Pacific d’atteindre la première l’Océan Pacifique. Il découvre que l’un de ses anciens amis travaille pour Campeau. Pour ne rien arranger, ils sont amoureux de la même jeune femme, Mollie, qui travaille à l’intendance du train de la Union Pacific. DeMille est le maître des émotions fortes et de scènes spectaculaires, que l’on retrouve à foison dans Pacific Express, avec ses multiples péripéties, son action non stop incluant cascades, fusillades mais aussi effets spéciaux – un impressionnant déraillement dans un col de montagne enneigé. Avant de devenir un maître du film à grand spectacle DeMille s’était surtout illustré au temps du muet dans les drames mondains ou les comédies sophistiquées. Même dans un western ses principaux sujets demeurent la guerre des sexes, les jeux de séduction ou la rivalité amoureuse. Le triangle amoureux formé par Robert Preston, Joel McCrea et Barbara Stanwick est étincelant. Stanwick fut sans doute l’une des plus brillantes actrices hollywoodiennes, aussi géniale dans le drame que la comédie, le western que les « women’s pictures ». Dans Pacific Express DeMille lui permet d’exprimer une large palette d’émotions et de sentiments, et il est bien difficile de résister à son joli minois et à son caractère bien trempé.

Cinéaste pas si classique que ça et souvent rattrapé par un grain de folie, DeMille aimait les télescopages spatio-temporels presque autant que les ruptures de tons à l’intérieur de ses films. On pourra le constater avec le dernier plan de Pacific Express.

Pacific Express

Pacific Express

Le chef-d’œuvre de DeMille est l’une des nombreuses références cinéphiliques de Sergio Leone et ses scénaristes Argento et Bertolucci lorqu’ils écrivent Il était une fois dans l’ouest, western qui propose une approche critique et opératique du même sujet. Les quatre personnages principaux des deux films – trois hommes et une femme – partagent également plusieurs points communs. Mais ceci est une autre histoire…

 

Pacific Express figurait dans la sélection officielle – aux côtés du Magicien d’Oz, La Charrette fantôme, La Loi du nord ou Quatre Plumes blanches – de ce qui aurait dû être la première édition du Festival de Cannes, en 1939. Le Festival de Cannes avait été décidé en réaction contre l’ingérence fasciste dans la sélection des films aux Festivals de Berlin et de Venise, et avait reçu le soutien des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Le 1er septembre, jour de l’ouverture, les troupes allemandes pénètrent en Pologne, et le Festival est annulé. Le premier Festival de Cannes se déroulera en 1946.

Le 19 mai 2002 Le Jury « 1939 », présidé par Jean d’Ormesson a remis sa Palme d’or au film de Cecil B. DeMille. Une décision prise à l’unanimité par les six membres du Jury. Pacific Express est donc devenu avec 63 ans de retard la première Palme d’or de l’histoire du festival de Cannes.

 

Catégories : Sur ARTE

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *