Olivier Père

La Clé de verre de Stuart Heisler

Dans le cadre de son « printemps du polar » ARTE diffuse lundi 9 mars à 23h La Clé de verre (The Glass Key, 1942) de Stuart Heisler avec Alan Ladd, Veronica Lake (photo en tête de texte) et Brian Donlevy, classique du film noir hollywoodien et seconde adaptation du roman de Dashiell Hammett, déjà porté à l’écran en 1935 sous le même titre par Frank Tuttle avec George Raft dans le rôle principal.

La Clé de verre est un bel exemple des relations fructueuses qui se nouèrent très rapidement entre Hollywood et la littérature policière américaine, et en particulier l’école « hard-boiled » dont Hammett fut indiscutablement le chef de file, inventant un style comportementaliste, brutal et sans fioritures qui va révolutionner le roman moderne et avoir une influence considérable sur de nombreux écrivains – aux Etats-Unis et en Europe – et cinéastes qui s’empareront de son écriture visuelle et dynamique.

Hammett aimait beaucoup cette version de La Clé de verre qu’il considérait comme l’une des meilleures adaptations de ses romans au cinéma. On a effet le droit de la préférer au célèbre Faucon maltais de John Huston réalisé un an plus tôt, plus verbeux et statique que le film de Stuart Heisler qui réussit un excellent dosage de violence et de décontraction, de nervosité et de séduction. Le scénario est signé John Latimer, lui-même écrivain de romans policiers et spécialiste du film noir connu pour sa collaboration avec le réalisateur John Farrow.

Comme d’autres romans de Hammett (La Moisson rouge par exemple) La Clé de verre tisse une intrigue criminelle qui dévoile les liens entre la pègre et le monde de la politique, avec une galerie de personnages corrompus et arrivistes aux fréquentations dangereuses, montrant l’envers du décor de la démocratie américaine, ses zones d’ombres. La fin de la vie de l’écrivain sera marquée par les persécutions dont il sera victime durant le maccarthysme, inquiété à cause de ses sympathies communistes.

La Clé de verre est avant tout un polar « hard-boiled » sur le thème de l’amitié virile et de la loyauté.

Lors d’une campagne municipale, Taylor Henry, le fils d’un des candidats, est assassiné.

Toutes les apparences, relayées par des lettres anonymes, accusent Paul Madvig (Brian Donlevy), truand charismatique qui soutient le candidat Henry à la mairie et veut épouser sa fille Janet (Veronica Lake).

Ed Beaumont (Alan Ladd), le bras droit de Madvig à qui il voue une fidélité indéfectible, mène l’enquête pour démontrer l’innocence de son ami et associé.

Le film contient plusieurs répliques, scènes et séquences d’anthologie parmi lesquelles la séquestration de Beaumont par un gang rival. Régulièrement passé à tabac par une brute épaisse, il devra sa survie à sa persévérance et à son ingéniosité.

La Clé de verre est un film noir qui brille par l’absence des représentants de l’ordre ou de la morale. Beaumont est un aventurier avec sa propre éthique, ballotté entre plusieurs clans mais qui finira par rétablir la vérité et à échapper à la boue d’une ville sans nom. Modernité de Hammett – et par la même occasion du film de Stuart Heisler, cinéaste talentueux – qui a littéralement inventé une nouvelle catégorie de (anti)héros, régulièrement décliné par la suite, à l’écran mais aussi dans les livres, jusqu’à Leone, Manchette et leurs épigones.

Veronika Lake blonde presque fatale dans La Clé de verre

Veronica Lake blonde presque fatale dans La Clé de verre

 

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