Olivier Père

Rétrospective Kinji Fukasaku à la Cinémathèque française

Affiche japonaise de Combat sans code d'honneur

Affiche japonaise de Combat sans code d’honneur

La Cinémathèque française rendra hommage au cinéaste japonais Kinji Fukasaku avec près de cinquante films – soit la quasi intégrale de son œuvre, du 2 juillet au 3 août. Kinji Fukasaku (1930-2003), connu du grand public occidental pour son controversé et ultime long métrage Battle Royale (2000) avec Takeshi Kitano (il décédera au début du tournage de la suite de ce film à succès, cosignée avec son fils Kenta), fut un prolifique artisan des studios Tôei (49 titres à son actif) où il fit presque toute sa carrière. Fukasaku s’illustra principalement – avec plus ou moins de bonheur – dans le film de yakusas et la science-fiction. Dès la fin des années 20, les yakusas, vassaux tatoués du crime organisé au Japon, ont inspiré les scénaristes, avant de devenir de véritables héros cinématographiques, dans des séries B spécialisées, transpositions très romancées de la réalité, véritables apologies de l’honneur et de la fidélité au clan. Dans les années 60 puis 70, des cinéastes comme Hideo Gosha, Seijun Suzuki et Kinji Fukasaku vont révolutionner le film de yakuzas en accentuant la cruauté et le caractère grotesque des sujets. Fukasaku, cinéaste provocateur et furieux, sera celui qui poussera le plus loin son exploration acharnée et nihiliste du genre, jusqu’à son anéantissement. Guerre des gangs à Okinawa (1971) et Okita le pourfendeur (1972), le célèbre Combat sans code d’honneur (1973, sorti en version doublée en France sous le titre Qui sera le boss à Hiroshima ?) et Le Cimetière de la morale (1975, photo en tête de texte, peut-être son meilleur film) bafouent aussi bien les codes moraux du milieu qu’ils décrivent que ceux de la grammaire traditionnelle du cinéma commercial nippon, avec une inflation délirante de zooms, de caméra portée, d’arrêts sur image et de plans au téléobjectif. On assiste à un geste maniériste et iconoclaste, une mise à sac esthétique sans équivalence, sauf peut-être dans certains westerns ou films d’horreur européens de la même période.

Affiche japonaise du Cimetière de la morale

Affiche japonaise du Cimetière de la morale

Cinéaste versatile, Fukasaku a aussi réalisé en 1968 un incroyable Lézard noir, feuilleton psychédélique pop et transgenre d’après Edogawa Rampo avec un héros travesti (Miwa) et même Mishima torse nu dans un caméo sulpicien. Nul doute que la rétrospective de la Cinémathèque permettra de découvrir de nombreuses pépites rares et méconnues, dans le domaine du film de yakusas bien sûr mais aussi le film de guerre ou de samouraïs, genres populaires qu’il aborda avec une approche personnelle et postmoderne dans les années 70 et 80.

Affiche japonaise du Lézard noir

Affiche japonaise du Lézard noir

 

Affiche de Bataille au-delà des étoiles

Affiche de Bataille au-delà des étoiles

Fukasaku s’est également intéressé à la science-fiction. Son délirant Bataille au-delà des étoiles (The Green Slime), « space opera » pop avec des aliens visqueux et tentaculaires interprétés par des nains dissimulés dans des combinaisons en mousse restera dans les mémoires des amateurs de cinéma bis. Des astronautes sont chargés de détruire un astéroïde. La mission réussit mais ils ramènent par accident dans leur vaisseau une créature extraterrestre. Cette coproduction internationale entre le Japon, l’Italie et les Etats-Unis, réalisée en 1968 comme 2001, l’odyssée de l’espace et distribuée par le même studio, la MGM (!) bénéficia de moyens importants mais le résultat s’avère un monument de kitsch et d’humour involontaire.

Les Evadés de l'espace

Les Evadés de l’espace

Quant aux Évadés de l’espace (1977), acclimatation de la science-fiction japonaise au succès mondial de La Guerre des étoiles de George Lucas, c’est l’ultime effort de Kinji Fukasaku dans le « space opera » et il faut dire que le genre lui réussit définitivement moins que le film de yakusas. Les Évadés de l’espace, avec son esthétisme de sapin de Noël fluorescent et de soirée costumée dans une discothèque de troisième zone est une série B psychédélique sans le savoir qui nie le concept de science-fiction adulte et intelligente et perpétue la naïveté, l’infantilisme et l’amateurisme des effets spéciaux que l’on trouvait déjà dans certaines bandes primitives et les serials. Les costumes et les décors sont les mêmes que la série télévisée « San Ku Kai ». La version originale permet d’entendre Vic Morrow, pas dans sa meilleure forme, parler en japonais à un robot domestique, entre deux vapeurs d’alcool. Ces deux perles pour amateurs de mauvais films sympathiques seront programmées dans le cadre d’une soirée Cinéma bis le vendredi 11 juillet.

En 1979 Fukasaku abordera de manière plus sérieuse que le « space opera » le genre de l’anticipation post apocalyptique avec Virus, nouvelle coproduction avec les Etats-Unis sur une épidémie ayant exterminé la quasi totalité de l’humanité. Ce film catastrophe à gros budget avec Sonny Chiba l’un des acteurs fétiches de Fukasaku fut distribué en dehors du Japon dans une version internationale plus courte que les 156 minutes de la version originale.

On peut lire aussi en cliquant sur le lien le texte déjà consacré à Battle Royale sur ce blog :

https://www.arte.tv/sites/olivierpere/2012/03/14/battle-royale-de-kinji-fukasaku/

 

 

 

 

Catégories : Actualités

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *