Olivier Père

Ricky de François Ozon

ARTE diffuse mercredi 18 juin à 20h50 Ricky (2009) de François Ozon. Comme d’autres films de ce cinéaste, Ricky est un portrait de femme, et met en scène le cheminement d’une ouvrière que l’on découvre dépressive et épuisée, en situation d’échec, élevant seule sa fille au début du film, pour la quitter en mère de famille épanouie à la fin. Entre ces deux plans, quelque chose d’extraordinaire, que raconte le film, va survenir dans la vie de Katie (Alexandra Lamy). D’une aventure sexuelle, puis d’une liaison banale avec un homme d’origine espagnole, Paco (Sergi Lopez) qui travaille dans la même usine qu’elle naîtra un enfant, dont le prénom, Ricky, est choisi par Lisa (Mélusine Mayance) petite fille taciturne et possessive qui voit d’un mauvais œil l’arrivée d’un étranger puis d’un bébé rompre sa relation exclusive avec sa mère. L’apparition d’ailes dans le dos de Ricky va être une épreuve supplémentaire pour Katie et Lisa, aux conséquences imprévisibles. Ce film étrange, qui dérouta une partie du public et de la critique au moment de sa sortie, est pourtant l’un des plus remarquables, et finalement joyeux, du prolifique réalisateur français. Ricky se prête à plusieurs interprétations psychanalytiques et allégoriques, tout en prenant soin de conserver des zones de mystère. Ozon apprécie les ambiances de malaise et les personnages en crise, il aime aussi jouer avec les mots et les images. Après son moyen métrage Regarde la mer (1997) qui annonçait la couleur (il y était question de mère et de merde), les « ailes » de Ricky mettent sa mère et sa sœur (c’est-à-dire « elles ») dans tous leurs états. Après la stupéfaction et l’angoisse, Ricky, petit angelot sans dimension mystique, sera l’être transitionnel permettant à Lisa d’accepter son beau-père et à Katie, toujours dans la crainte de ne pas être à la hauteur, de devenir une mère et une femme heureuse dans son corps et son esprit. Ozon organise l’intrusion d’un élément fantastique dérangeant dans un univers social très réaliste, comme si le cinéma de David Cronenberg première période avec ses mutations psychosomatiques et ses dérèglements organiques rencontrait celui des frères Dardenne. L’humour des dialogues et des situations fait souvent mouche, la folie douce de l’ensemble évoque l’esprit surréaliste qui ne souffre que trop rarement dans les contrées du cinéma français. C’est la raison pour laquelle il faut revoir ou découvrir ce trop sous estimé Ricky, un film qui vole de ses propres ailes.

 

Catégories : Sur ARTE

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *