Olivier Père

La Vie privée de Sherlock Holmes de Billy Wilder

ARTE diffuse ce soir à 20h45 ce très beau film suivi d’un documentaire sur le héros d’Arthur Conan Doyle. La Vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes, 1969) permet de vérifier que Wilder, au terme d’une carrière riche en classiques noirs et spirituels, a signé des films magnifiques, sanctionnés en leur temps d’échecs aussi injustes que prévisibles : Avanti !, Fedora et le film de ce soir. Loin des modes, Wilder s’éloigne de l’Amérique, se réfugie là en Italie ou en Allemagne, ici dans la reconstitution maniaque de l’Angleterre victorienne. Billy Wilder n’adapte pas Conan Doyle à la lettre, mais propose une lecture hétérodoxe et personnelle du célèbre détective. La Vie privée de Sherlock Holmes est à la fois une comédie débordante d’esprit, un film à costumes visuellement superbe, et une méditation mélancolique sur l’amour et la trahison. Soit Le chef-d’œuvre tardif d’un grand cinéaste.

Cette aventure de Sherlock Holmes n’est pas l’adaptation d’un roman de Conan Doyle, ni une relecture parodique et irrévérencieuse du plus célèbre des détectives. Le scénario original de Wilder et de son brillant complice I. A. L. Diamond explore les zones d’ombres de la biographie de Sherlock Holmes (sa cocaïnomanie, son célibat suspect et sa cohabitation ambigüe avec le docteur Watson) et le plonge dans une ténébreuse enquête qui l’emmène sur les bords du Loch Ness et où ne manquent ni la frêle jeune femme amnésique, ni les espions et les faux monstres. Le film marque l’apogée de la collaboration fructueuse entre Wilder et le décorateur Alexandre Trauner qui recrée l’Angleterre victorienne avec un luxe architectural et décoratif inouï. Anglais jusqu’au bout des ongles, de l’interprétation à l’humour, le film réussit l’exploit de ne jamais sombrer, grâce à sa mise en scène et la subtilité de son récit, dans l’académisme guindé qui caractérise les productions en costumes en général et la plupart des adaptations de Conan Doyle en particulier, aussi plaisantes soient-elles. Wilder dépasse le folklore de Baker Street et s’empare du personnage de Holmes, génie du vrai et du faux, misanthrope sentimental, observateur solitaire des passions humaines. La rencontre entre Holmes et Wilder, son double artiste et farceur, fait des étincelles. Un chef-d’œuvre d’intelligence, d’élégance et d’humour triste. L’histoire d’amour avortée entre Holmes et une espionne est sans doute l’une des plus mélancoliques qu’on puisse voir sur un écran : un pur intellect, frigide et névrosé, dupé pour la première fois de sa vie à cause des émotions fortes que lui inspirent une femme.

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