Olivier Père

Obsession de Brian De Palma

Obsession (1976), l’un des plus beaux films de Brian De Palma, ressort mercredi en salles, dans une version restaurée et distribué par Carlotta.

Nouvelle-Orléans. Un homme d’affaires, Michael Courtland (l’excellent Cliff Robertson, dans un rôle initialement prévu pour Richard Burton), voit sa femme et sa petite fille tuées par des rançonneurs. Vingt ans plus tard, inconsolable, Courtland rencontre à Florence le sosie parfait de son épouse (Geneviève Bujold), à l’endroit même où il avait fait la connaissance de cette dernière, l’église de San Mignato al Monte. Il s’agit d’une des œuvres maîtresses de De Palma dans laquelle le cinéaste s’interroge sur son rapport au cinéma de Hitchcock (Obsession revisite Sueurs froides mais aussi Rebecca) et à la modernité cinématographique européenne (une partie de l’action se déroule à Florence, berceau de la culture occidentale). Le scénario de Paul Schrader dresse des comparaisons entre le maniérisme pictural, le travail de restauration et les citations presque maladives de De Palma, qui reproduit des mouvements de caméra du Mépris de Godard. Théorique et intellectuel, Obsession est aussi un magnifique mélodrame morbide, une histoire d’amour dans laquelle De Palma donne libre cours à son imagination baroque et son romantisme pervers. La mise en scène de De Palma est constamment inspirée, portée par la musique funèbre de Bernard Herrmann. Initialement intitulé Déjà vu, Obsession emprunte en effet une idée cinématographique à Vertigo, le dédoublement post mortem du corps aimé, qui s’accompagne chez le personnage principal d’une névrose traumatique et d’un sentiment de culpabilité. Mais il saute aux yeux que De Palma, dans cette œuvre maîtresse du début de sa carrière, vise autre chose que le plagiat. Le cinéaste se place d’emblée dans la position de celui qui vient après et propose une réflexion passionnante sur les différentes strates de l’histoire des images. Les films de De Palma sont plus ou moins analytiques ou cérébraux, mais c’est lorsqu’il parvient à concilier la théorie et les situations les plus émouvantes que le cinéaste de Pulsions signe ses meilleurs films.

Obsession est aussi un grand film de plus dans la carrière de Vilmos Zsigmond, génial chef opérateur d’origine hongroise qui va signer la photographie, très reconnaissable par sa lumière tamisée ou vaporeuse et son utilisation de l’écran large, de plusieurs chefs-d’œuvre du Nouvel Hollywood, réunissant un palmarès impressionnant entre 1971 (John McCabe de Robert Altman) et 1981 (Blow Out de Brian De Palma). Avant cette décennie miraculeuse où il travailla à plusieurs reprises avec Altman, Spielberg, Schatzberg, Cimino, De Palma, Rydell, Zsigmond avait principalement œuvré dans les bas-fonds de la série Z américaine, et après il ne retrouvera plus la même inspiration, collaborant à des films beaucoup plus académiques ou conventionnels sur le plan visuel. La lumière ouatée d’Obsession rend particulièrement hommage à la beauté fantomatique de Florence, et instaure un climat onirique, entre cauchemar et réalité. Superbe musique – une des dernières – de Bernard Herrmann, compositeur fétiche d’Hitchcock.

Obsession

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