Olivier Père

TIFF 2013 : Child of God de James Franco

L’hyperactif James Franco n’a pas arrêté de travailler depuis deux ans et semble vouloir battre les records de son presque homonyme Jess Franco : quatorze films en tant qu’acteur en 2014, deux séries télévisées, un roman… en attendant le disque, l’album de coloriage, le défilé à la fashion week, penchons-nous sur l’un des trois films qu’il a réalisé en rafale durant ces douze derniers mois : nous n’avions pas entendu beaucoup de bien à propos de Interior. Leather. Bar, fiction expérimentale autour des supposées scènes pornographiques coupées du Cruising de William Friedkin, ni sur As I Lay Dying, d’après Faulkner. Les deux films, présentés respectivement à Berlin et à Cannes, doivent sortir bientôt sur les écrans français. Child of God, en sélection officielle à Venise avant d’être projeté à Toronto, est une bonne surprise. James Franco adapte le troisième roman de Corman McCarthy, publié en 1974. Dans le Tennessee, dans les années 50, Lester Ballard (Scott Haze) à la mort de son père est dépossédé de sa ferme et se retrouve sans travail ni logement. Contraint à vivre dans les bois comme une bête sauvage, dans une solitude et un dénuement absolus, il sombre peu à peu dans la démence. S’adonnant à la nécrophilie au hasard de la découverte du corps d’une jeune femme suicidée, il va se transformer en tueur en série et collectionner les cadavres de femmes dans une grotte. Le film de Franco relate l’éprouvante descente aux enfers d’un homme qui perd progressivement toutes les qualités et signes de l’être humain pour atteindre une forme d’animalité monstrueuse, réduit à l’état de bête solitaire par la communauté qui l’a rejeté. C’est le récit d’une régression jusqu’aux limbes de l’humanité, Ballard passant d’une ferme à une cabane dans la forêt pour enfin vivre dans les profondeurs de la terre, comme un homme préhistorique, avec un langage de plus en plus incompréhensible et qui dégénère en grognements bestiaux. Impossible de ne pas ressentir de l’empathie ou au moins de la pitié pour cet antihéros malgré les actes de sauvagerie qu’il commet. Child of God enregistre aussi une lutte pour la survie dans un environnement naturel hostile, digne des plus grands « survival », et on pense à cette autre aventure extrême aux confins de la résistance humaine qu’était Essential Killing de Jerzy Skolimowski. Child of God n’est pas pour les estomacs sensibles et il serait inexact de le décrire comme une partie de plaisir. C’est un film éprouvant, à la violence extraordinaire, même si la paranoïa de Ballard accouche aussi de scènes drôles à force de dinguerie, comme l’exécution à la carabine d’animaux en peluche, ses seuls amis, soupçonnés de l’avoir trahi. James Franco rejoint Werner Herzog et Harmony Korine sur les sentiers sauvages du cinéma appréhendé comme une une expérience de la douleur et de la folie, et il démontre un réel talent, et un courage de cinéaste.

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