Olivier Père

TIFF 2013 : The Sacrament de Ti West

The Sacrament (présenté hier dans la section Vanguard) vient effacer la déception causée par The Innkeepers (mélange de comédie et d’histoire de fantômes à l’ancienne, trop hésitante) et confirme que Ti West est l’un des rares nouveaux auteurs à suivre dans le domaine du film d’horreur. Ce jeune cinéaste parvient à dynamiser des récits déjà illustrés par le cinéma de genre des années 70 grâce à un surcroit de réalisme rendu possible par les nouvelles techniques et méthodes de tournage, sans avoir recours à la parodie ou au pillage comme la plupart des productions commerciales, consternantes. Ti West est un vrai cinéaste indépendant et la modestie de ses budgets n’est pas incompatible avec une ambition cinématographique qui va à l’encontre des clichés et des conventions, tant sur le plan de la psychologie des personnages que de la structure narrative de ses films et des partis-pris de mise en scène. On peut s’inquiéter au début de The Sacrament d’assister à un énième film de genre qui utilise le principe éculé d’une équipe de télévision enregistrant les images que le spectateur découvre, comme un faux reportage. Mais Ti West abandonne fréquemment au cours de son film ce procédé, qui n’est qu’un prétexte pour créer une atmosphère d’immersion totale dans un univers clos, hostile et inquiétant. Un homme entreprend un voyage hors des Etats-Unis avec deux journalistes pour retrouver sa sœur qui a choisi de rejoindre une secte, communauté multiraciale, qui vit loin du monde au milieu d’une forêt, sous la coupe protectrice d’un gourou vieillissant et bedonnant surnommé « Father. » Une figure patriarcale qui entend protéger ses ouailles de la violence, de la misère sociale et spirituelle de la civilisation moderne. Evidemment cette communauté utopique ne va survivre à l’intrusion de corps étrangers et surtout d’une caméra inquisitrice. Le film laisse planer le doute non pas sur l’imminence de la catastrophe mais sur ses véritables raisons : programmation interne démente ou au contraire dérèglement provoqué par les journalistes en quête de scoop.

Gene Jones

Gene Jones

The Sacrament s’inspire ouvertement et assez fidèlement du suicide collectif du « Temple du Peuple » en 1978 où plus de 900 personnes, hommes femmes et enfants, membres d’une secte installée en Guyane périrent par ingestion volontaire de cyanure ou exécutées par balles, entraînées dans la mort par le révérend Jim Jones. Ti West ne cède jamais à la tentation spectaculaire et enregistre ces événements atroces, le désespoir et la détresse de ces parias de la société occidentale avec une froideur qui glace le sang. « Father » est génialement interprété par Gene Jones (ne pas confondre avec l’autre Jones, quoique), acteur aperçu dans No Country for Old Men ou Le Monde fantastique d’Oz. The Sacrament est produit par Eli Roth et il est évident tentant de comparer, sur des sujets pas très éloignés, la sobriété, l’hyperréalisme et le sérieux de The Sacrament avec l’approche outrancière et rigolarde de The Green Inferno. On espère que les spectateurs français pourront découvrir bientôt The Sacrament, et que Ti West va continuer à nous surprendre avec des films comme celui-ci, dénués de manichéisme, aussi bien dans la forme que dans le propos.

PS : le film de Ti West invite à la revoyure d’un autre film intéressant sur le suicide collectif de Jonestown, qui était à la fois plus racoleur et plus proche de la reconstitution des événements réels, sur le mode du cinéma d’exploitation : Guyana – la secte de l’enfer de René Cardona en 1979 avec Stuart Whitman et Joseph Cotten.

 

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