Olivier Père

Viridiana de Luis Buñuel

Virdiana (1961) visible après-demain sur ARTE+7 est le grand film du retour de Buñuel en Espagne. Buñuel accepte l’invitation d’un producteur espagnol malgré son opposition au régime franquiste qui l’avait conduit à s’exiler et à travailler au Mexique. Plus grand réalisateur espagnol de l’histoire du cinéma, Luis Buñuel n’a pourtant réalisé que trois films dans son pays natal : le documentaire Terre sans pain, Viridiana puis Tristana : trois chefs-d’œuvre dans lesquels le cinéaste s’exprime sans doute avec encore plus de violence et d’émotion que de coutume. Il existe d’ailleurs de nombreux points communs entre Viridiana et Tristana, à commencer par Fernando Rey, alter ego de Buñuel qui aime et s’identifie à son personnage de bourgeois vieillissant, misanthrope et libertin, obsédé par une jeune femme dont il a la responsabilité. On y reviendra.

Sans avoir à prouver que son esprit de rébellion et son anticonformisme ne s’étaient pas émoussés avec le temps, bien au contraire, Buñuel frappe un grand coup, s’amuse de l’hypocrisie, la bêtise de la bourgeoisie espagnole, catholique et provinciale, s’en donne à cœur joie dans la représentation de comportements fétichistes, des fantasmes, de perversions et d’actes blasphématoires, fidèle à sa jeunesse surréaliste et à son goût de la transgression. La beauté du film réside dans son apparent classicisme, sans cesse perverti par des images mentales ou des petits détails ou des subtils effets de montage qui font entrer l’ange du bizarre et la modernité dans un récit romanesque.

L’érotisme, le caractère sulfureux et provocateur du film ne cessent de surprendre même aujourd’hui et l’on peut comprendre l’énorme scandale que provoqua Viridiana en gagnant la Palme d’or au Festival de Cannes : le responsable du cinéma espagnol fut limogé sur le champ, le film interdit en Espagne jusqu’à la mort de Franco et banni par le Vatican.

 

Viridiana (Silvia Pinal) souhaite entrer au couvent, mais la mère supérieure exige avant tout que la jeune femme aille rendre visite à son vieil oncle et bienfaiteur Don Jaime (Fernando Rey). Celui-ci, troublé par la ressemblance de sa nièce et de sa femme décédée, tente d’abuser sexuellement de la jeune femme. Choquée, Viridiana s’enfuit mais apprend que son oncle s’est suicidé. Se sentant coupable la jeune femme décide de revenir au domaine et de dédier sa vie à aider les gens pauvres. Elle héberge donc les mendiants du village dans la maison de son oncle dont elle a hérité à sa mort…

Parmi les scènes inoubliables de Viridiana il y a bien sûr celle où les mendiants, profitant de l’absence des maîtres, organisent un banquet dans la maison qui tourne à l’orgie, avec une parodie du dernier repas du Christ ; mais aussi les scènes où Don Jaime mets les vêtements de sa défunte épouse, exige dans une mascarade nécrophile que sa nièce porte la robe de mariée de sa femme (on ne peut s’empêcher de penser à Vertigo), puis tente de la violer après lui avoir administré un puissant narcotique.

La seule censure que dut accepter Buñuel fut bénéfique au film : au lieu de rejoindre son cousin (Francisco Rabal) dans sa chambre, dans la dernière scène, Virdiana accepte son invitation à jouer aux cartes avec la bonne, malicieuse suggestion d’un futur ménage à trois. Buñuel transcende une nouvelle fois le naturalisme et les conventions cinématographiques pour faire triompher le rêve, la liberté et l’imagination.

 

 

 

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