Olivier Père

Over the Top de Menahem Golan

MGM/PFC vient d’éditer en Blu-ray Over the Top / Le Bras de fer (Over the Top, 1987) de Menahem Golan. Retour sur un titre emblématique des années 80, de la Cannon et de la carrière de Stallone.

Après le très mauvais Cobra (tentative ratée d’inventer un personnage de flic dur à cuire dans la lignée de « Dirty Harry »), Over the Top fut la seconde et dernière collaboration entre Sylvester Stallone et la compagnie de production indépendante Cannon, dirigée par les cousins Menahem Golan et Yoran Globus, partis à la conquête de Hollywood dans les années 80 grâce à des contrats juteux avec plusieurs stars et metteurs en scène importants, la mainmise sur de nombreuses franchises du cinéma d’action et de divertissement, plus le rachat de studios et de réseaux de salles en Europe. Le pacte signé avec Stallone au sommet de sa popularité après Rocky IV et Rambo 2 : la mission allait pourtant sonner le glas de la Cannon, endettée jusqu’au sang après plusieurs bides et des films de séries B aux budgets déraisonnables. En effet, Golan et Globus s’enorgueillirent d’offrir à Stallone le contrat faramineux de 12 millions de dollars pour le rôle principal – et une participation à l’écriture du scénario – d’Over the Top, faisant de « Sly » l’acteur le mieux payé du monde. Hélas ce fut aussi le premier échec commercial importants de la superstar, avec seulement 16 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, marquant le début de la chute de Stallone du sommet du box office américain (le film fit quand même plus de deux millions d’entrées en France), les prémisses de sa traversée du désert et la faillite de la Cannon quelques années plus tard. Sans doute que les instigateurs de ce « coup », aveuglé par leur enthousiasme ou leur mégalomanie, oublièrent le caractère démodé du projet, et le mépris des spectateurs pour les championnats de bras de fer, même si cette discipline n’occupe pas une place centrale dans le film. Over the Top est un mélodrame sportif axé sur la relation conflictuelle et émouvante entre un père et son fils, loin des spectacles violents et bellicistes qui bâtirent l’image virile de Stallone. Ici c’est la corde lacrymale qui est convoquée, avec pour cible un public beaucoup plus familial. Davantage qu’à Rocky, c’est au Champion (The Champ, 1931) de King Vidor, l’histoire d’amour d’un boxeur pour son jeune fils, que fait penser le film de Menahem Golan. Chauffeur routier solitaire, Lincoln Hawk (Stallone) est rongé par un divorce et par la culpabilité d’avoir abandonné un fils qu’il n’a jamais vu, Michael. Lorsque Lincoln – sur les conseils de son ex-femme – part chercher son fils à l’académie militaire, il se cogne à l’agressivité de ce dernier (incarné par une sacrée tête à claques), et à la haine de son beau-père (le toujours bon Robert Loggia), un homme très riche prêt à tout pour conserver la garde de son petit-fils. Mais le camionneur et l’enfant apprennent à se connaître et à s’apprécier. Entre temps, la mère de Michael, malade du cœur, meurt lors d’une intervention chirurgicale. Pour Lincoln, le seul moyen de prouver à son fils – et à lui-même – qu’il n’est pas un raté, c’est de remporter le championnat du monde de bras de fer de Las Vegas !

On a beaucoup reproché au film sa vulgarité, son mauvais goût un peu plouc  – typiques des années 80 et du milieu qu’il décrit dans sa dernière partie – mais aujourd’hui c’est surtout sa naïveté qui saute aux yeux, sans que cela soit nécessairement un défaut. Stallone compose une nouvelle figure de héros prolétaire, insiste sur l’honnêteté et la vulnérabilité de son personnage en jouant sur les antagonismes sociaux et culturels qui séparent Lincoln Hawk de la famille de son ex femme et de son fils. Cette sympathique fripouille de Golan n’a jamais été un cinéaste très inspiré ni même très efficace. On ne pouvait lui concéder que sa sincérité, même et surtout quand elle était au service d’entreprises ridicules comme Delta Force. Dans Over the Top il fait preuve d’un petit talent et l’archaïsme de sa mise en scène colle avec un scénario digne d’un mélo de quatre sous. Il ne sert donc à rien de se moquer d’un film à la réputation de nanar un peu usurpée – Stallone fit bien pire dans les années 90 – malgré une ou deux scènes à l’humour involontaire (lorsque Stallone explique à la caméra que son état d’esprit change quand il met sa casquette à l’envers par exemple) et qui remplit très bien son programme mélodramatique, sportif et optimiste pour après-midi pluvieux.

Sur la Cannon et Menahem Golan, que nous avions invité au Festival del film Locarno en 2010, lire aussi :

https://www.arte.tv/sites/olivierpere/2010/11/26/pleins-feux-sur-la-cannon-a-la-film-society-du-lincoln-center/

 

 

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