Olivier Père

Ray Harryhausen (1920-2013)

C’est avec tristesse que nous avons appris ce matin la disparition de Ray Harryhausen, génie des effets spéciaux, le 7 mai à l’âge de 92 ans. Son nom au générique d’un film était la promesse de rêve, d’évasion et de fantaisie et il restera associé à quelques-unes des meilleures productions de cinéma d’aventures fantastiques et de science-fiction. Au-delà de sa participation essentielle à plusieurs classiques du genre dont il peut être considéré comme l’auteur à part entière davantage que leurs réalisateurs, Ray Harryhausen a inventé ou du moins perfectionné une technique, la « stop motion », méthode d’animation permettant de créer un mouvement à partir d’objets immobiles, soit l’animation image par image de marionnettes ou figurines de tailles et de matières diverses. Au cinéma cela débuta par les petits films d’Emile Cohl au début du siècle dernier puis par Ladislas Starévitch et son Roman de Renard dans les années 30.

Ce qui était au début une méthode artisanale pratiquée par des artistes solitaires à la patience et la méticulosité d’orfèvre sera adopté par les studios hollywoodiens. Elle se poursuivra en effet avec le même perfectionnisme mais davantage de moyens de l’autre côté de l’Atlantique avec un chef-d’œuvre aux images spectaculaires, violentes et poétiques qui va marquer les esprits et les sens de plusieurs générations de spectateurs et dont la vision provoque encore aujourd’hui un plaisir incomparable : King Kong (1933) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Parmi les jeunes spectateurs qui découvrent ébahis King Kong au moment de sa sortie il y a Ray Harryhausen alors âgé de treize ans. Ce sera le début de sa vocation et de sa passion pour les effets spéciaux. Il ne cachera jamais sa dette envers le fabuleux travail de Willis O’Brien, responsable et créateur des marionnettes animées de King Kong, et dont il deviendra le premier technicien sur le tournage de Monsieur Joe (Mighty Joe Young, 1949) l’une des « suites » de King Kong. Dans les années 40 Ray Harryhausen travaille également avec un autre génie de l’animation, George Pal, qui l’engage sur sa série de courts métrages « Puppet Toons » après avoir vu ses travaux personnels, des dinosaures en pâte à modeler animés image par image (Harryhausen et son ami de jeunesse Ray Bradbury avaient une passion commune pour la préhistoire.) Harryhausen poursuit dans les films dont il assure lui-même les effets spéciaux les améliorations apportées par O’Brien au sujet de l’intégration de la « stop motion » dans des prises de vues réelles. Le Monstre des temps perdus (The Beast from 20.000 Fathoms, 1953) d’Eugène Lourié est considéré aujourd’hui comme un classique de la science-fiction, adapté d’une nouvelle de Ray Bradbury avec des trucages extraordinaires de Ray Harryhausen. Le film s’inscrit dans une certaine tendance de la science-fiction américaine où plane la menace atomique, puisque ce sont des tests nucléaires pratiqués dans l’océan Arctique qui réveillent un dinosaure carnivore qui va semer la terreur sur la côte Est.

Le Monstre des temps perdus

Le Monstre des temps perdus

Les soucoupes volantes attaquent

Les soucoupes volantes attaquent

En 1955, Harryhausen rencontre Charles H. Schneer. Leur collaboration durera plus de 25 ans, Schneer s’occupant de la production, Ray du scénario et des aspects techniques. Douze des quinze films que Ray Harryhausen va signer seront produits par Schneer avec quelquefois Harryhausen comme coproducteur. Les premiers films qu’ils font ensemble sont Le monstre vient de la mer (It Came from Beneath the Sea, 1955) de Robert Gordon, Les soucoupes volantes attaquent (Earth vs. The Flying Saucers, 1956) de Fred F. Sears et A des millions de kilomètres de la Terre (20 Milion Miles to Earth, 1957) de Nathan Juran.

A des millions de kilomètres de la Terre

A des millions de kilomètres de la Terre

Le Septième Voyage de Sinbad

Le Septième Voyage de Sinbad

L'Ile mystérieuse

L’Ile mystérieuse

Jason et les Argonautes

Jason et les Argonautes

Les deux hommes s’installent ensuite à Londres et c’est là que Harryhausen va vivre et travailler jusqu’à la vie de ses jours, bénéficiant des nombreuses facilités de production et des décors naturels offerts par les Iles britanniques. Débute alors un âge d’or pour le duo qui enchaîne dans un état de grâce plusieurs films d’aventures inspirés par les contes des 1001 nuits, la mythologie grecque ou les romans de Jules Verne, récits propices à l’invention d’un riche bestiaire fantastique peuplé de créatures animées avec amour par Ray Harryhausen. Le premier film de cette série est l’un des meilleurs du genre, petit classique à la réussite absolue qui bénéficie également d’une partition géniale de Bernard Herrmann : Le Septième Voyage de Sinbad (The 7th Voyage of Sinbad, 1956) de Nathan Juran, suivi de près par deux autres films extraordinaires, L’Ile Mystérieuse (Mysterious Island, 1961) de Cy Endfield et Jason et les Argonautes (Jason and the Argonauts, 1963) de Don Chaffey. Harryhausen fait un détour remarqué par la firme Hammer avec Un million d’années avant J.C. (One Milion Year B.C., 1966) de Don Chaffey, remake en couleur de Tumak fils de la jungle où ses dinosaures se font voler la vedette par Raquel Welch en bikini préhistorique. Le chant du cygne de Ray Harryhausen sera Le Choc des titans (Clash of the Titans, 1981) de Desmond Davis, ambitieuse production qui convoque les dieux, héros, titans et créatures maléfiques du mythe de Persée. Harryhausen y pousse à la perfection ses techniques de la « Dynamation. » Le film est un succès même si au début des années 80 les trucages de Ray Harryhausen possèdent déjà un charme désuet et artisanal, et peinent à rivaliser avec l’apparition des effets spéciaux par ordinateurs et l’animatronique (marionnettes robotisées et télécommandées) qui vont bientôt remplacer l’animation image par image avant d’être eux eux-mêmes rapidement balayés par l’avènement numérique des années 90.

Un million d'années avant J.C.

Un million d’années avant J.C.

Les Premiers Hommes sur la Lune

Les Premiers Hommes dans la Lune

La Vallée de Gwangi

La Vallée de Gwangi

Le Choc des Titans

Le Choc des Titans

Le Choc des titans sort le même jour que Les Aventuriers de l’Arche perdue aux Etats-Unis et Ray Harryhausen aura la sagesse de laisser sa place à la nouvelle génération des visionnaires du cinéma fantastique et de science-fiction. Considéré comme un maître par Lucas, Spielberg, John Landis, Joe Dante, Sam Raimi, Tim Burton, Guillermo Del Toro et tous les spécialistes des effets spéciaux qui travaillèrent avec eux, Ray Harryhausen sera souvent sollicité par ses enfants spirituels pour ses conseils et ses souvenirs. Il était devenu à la fin de sa vie une véritable légende, adulé par une foule d’admirateurs, célèbres ou anonymes, du monde entier, soit tous les amoureux du cinéma d’évasion. La plupart des films à effets spéciaux contemporains, de Jurassic Park à Mars Attacks ! en passant par Gremlins, L’Etrange Noël de Monsieur Jack ou Monstres & Cie sont traversés d’hommages et de clins d’oeil à l’univers poétique et merveilleux de Ray Harryhausen (photo en tête d’article : Le Voyage fantastique de Sinbad.)

Ray Harryhausen et la Gorgone imaginée pour Le Choc des Titans

Ray Harryhausen et la Gorgone imaginée pour Le Choc des Titans

 

 

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