Olivier Père

Mud – Sur les rives du Mississippi de Jeff Nichols

Avec The Grandmaster de Wong Kar Wai c’est le film à voir en ce moment. Mud – sur les rives du Mississippi (Mud) confirme tout le bien qu’on pouvait penser du jeune réalisateur américain Jeff Nichols après Shotgun Stories et Take Shelter. Nichols renoue avec un cinéma américain classique capable de conjuguer le plaisir des histoires fortes et bien racontées avec une certaine forme de panthéisme inhérent aux grands récits américains où les hommes vivent au milieu d’une nature à la fois magnifique, sauvage et hostile (le film a été tourné dans un bled paumé de l’Arkansas, proche des bayous du Mississippi.)

Mud – Sur les rives du Mississippi de Jeff Nichols

Mud – Sur les rives du Mississippi de Jeff Nichols

Il n’y a pourtant rien d’anachronique ou de pittoresque dans Mud – Sur les rives du Mississippi, malgré des références très bien assimilées à Mark Twain (Les Aventures de Tom Sawyer, Les Aventures de Huckleberry Finn), au cinéma de Kazan et Mulligan et pourquoi pas à La Nuit du chasseur. Mud – Sur les rives du Mississippi est un roman d’apprentissage moral dans lequel deux jeunes garçons, en découvrant l’existence d’un marginal caché dans les marais, font leur entrée précoce dans le monde des adultes, avec ses sales histoires, ses trahisons, mais aussi ses passions amoureuses. Les deux adolescents, et en particulier Ellis font preuve d’une maturité exceptionnelle pour leur âge, confrontés quotidiennement à une vie difficile et affrontant la pauvreté et le désarroi social et conjugal des adultes, famille en crise ou parents de substitution qui les entourent. Dans un tel paysage dévasté le personnage de Mud (formidablement interprété par Matthew McConaughey) apparaît comme la figure du preux chevalier, idéaliste et romantique malgré les soupçons de mythomanie et de mensonge qui pèsent sur lui, que le jeune Ellis attendait comme modèle masculin. Le film tisse de subtiles correspondances entre la passion de Mud pour une belle blonde qui ne cesse de se dérober à son amour et pour laquelle il a tué un homme, et l’éducation sentimentale d’Ellis lui aussi obsédé par le désir de protéger une fille un peu trop âgée pour lui, comme s’il voulait palier à tout prix à l’échec d’un père défaillant.

Mud – Sur les rives du Mississippi est également un beau film sur le mystère féminin avec le personnage insaisissable de Juniper interprété par Reese Witherspoon. Malgré les apparences nous sommes à mille lieues du cinéma de Malick, qui a toujours privilégié l’impressionnisme et les sensations pures – et désormais les concepts philosophiques – à la caractérisation psychologique et à la narration linéaire. En revanche on peut parier que François Truffaut aurait aimé un film tout en violence contenue (mais qui finira par exploser lors d’une fusillade fort bien mise en scène) dans lequel les enfants sont un peu plus raisonnables que les adultes mais trépignent d’impatience de souffrir et de faire des folies pour une femme qui n’en demande pas autant.

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